27 nov. 2009

Le marché des cosmétiques naturels et éthiques : un naturel pour le Karité

J’ai accompagné la directrice du Projet Karité, Mme Binta Bocoum, à un sommet sur les cosmétiques naturels et éthiques qui avait lieu à Francfort en Allemagne. Nous avons assisté à plusieurs ateliers qui nous ont permis de mieux connaitre le marché des cosmétiques et plus particulièrement celui des cosmétiques à base de produits naturels et éthiques. Ce marché ne représente qu’une petite portion du marché global des cosmétiques, soit environ 6 %, mais étant donné la taille énorme de celui-ci, le potentiel est significatif. Le marché des cosmétiques naturel/éthique est évalué actuellement à 7,9 Milliards $ US et connait une croissance rapide de 16% par an. De façon surprenante, le premier marché est celui de l’Amérique du Nord, et de loin, avec 60% du marché mondial. Suivent, ceux de l’Europe 30 % et de l’Asie avec 5 %. L’Allemagne étant le plus important marché en Europe.

Après avoir été distribués principalement dans des réseaux marginaux, tels les boutiques d’aliments naturels, ces produits sont maintenant disponibles dans les réseaux de grande consommation. La principale préoccupation des clients de cosmétiques naturels est, selon plusierus études, l’exclusion de produits synthétiques ou chimiques dans la composition de leurs produits.

Voici comment sont définis les produits pouvant composer un cosmétique naturel et/ou éthique :

• Produit naturel : produit fait à base de plantes ou d’extraits avec un minimum de transformation
• Produit certifié biologique : ingrédient certifié par un organisme biologique reconnu (Écocert, Natrue, NSF…)

• Produit équitable : ingrédient certifié par un organisme reconnu (FLO, Fairtrade…)

En ce qui concerne les produits, 55 à 70 % sont pour les soins de la peau. Chaque cosmétique est composé d’eau et d’un corps gras auxquels on ajoute diverses substances pour ajouter arômes et propriétés. Pour le marché des produits naturels, il y a actuellement une tendance à utiliser des produits alimentaires. Les raisons sont de deux ordres. D’une part, si un produit est comestible, les consommateurs vont le percevoir comme étant potentiellement bon pour la peau. Ensuite, il existe toute une législation concernant les produits alimentaires biologiques et qui peut s’appliquer pour les cosmétiques comestibles. En ce qui concerne les certifications bio pour les cosmétiques, il y a énormément de confusion en ce moment. Plusieurs certificateurs se font concurence.

En ce qui coincerne les produits éthiques, il y a un fort engouement pour les produits ayant une certification équitable. Plusieurs produits pour cosmétiques sont maintenant certifiables, notamment : huile de coco, karité, huile d’Argan, huile de sésame, huile d’olive et de noix du Brésil. Certaines études démontrent que le fait qu’un produit soit éthique lui donne plus de valeur que s’il est naturel.

Nous avons également eu l’occasion d’échanger avec plusieurs participants originaire des différents pays représentés à la rencontre. Nous avons pu apprendre que le marché est très éclaté et qu’il y a de nombreux intermédiaires qui approvisionnent les producteurs de produits finis. Par après, nous avons visité quelques boutiques et constaté que le karité est vendu tel quel ou encore intégré dans plusieurs produits haut de gamme. Le karité naturel est vendu facilement 20 fois plus cher qu’à Bamako. Toutefois, il est moins présent dans les produits vendus à prix populaire. Il commence à y avoir des lignes complètes de produits certifiés équitables et nous en avons même vu à la caisse d’une épicerie comme achat compulsif de dernière minute. Un signe qui ne trompe pas.

Il y a en ce moment un équilibre entre l’offre et la demande de produits. La crise économique actuelle a provoqué un léger ralentissement de la croissance de la demande. Toutefois, les entreprises craignent que la reprise entraîne une pression et que l’offre de produits de qualité risque de ne pas être au rendez-vous. Ils vont alors tenter de s’assurer la disponibilité des matières premières et signant des ententes à long terme avec les producteurs.

Le karité est un produit qui a un potentiel unique pour ce marché. Corps gras 100% naturel et comestible, ses propriétés pour les soins de la peau et des cheveux sont internationalement reconnues. De plus, il fait partie d’une courte liste de produits qui peuvent être certifiés équitables. Dès aujourd’hui, les coopératives du Mali peuvent vendre leur Karité comme produit 100% naturel. A court terme, la certification équitable est accessible sans problème. À moyen terme, pour certaines d’entre elles, on peut envisager d’obtenir la certification biologique.

Le marché des cosmétiques offre des possibilités énormes en termes de quantité mais aussi en termes de prix. C’est ainsi qu’on pourra donner de la valeur au produit. Si les productrices réussissent à garder sur place une partie de la transformation, entre autre en exportant le beurre de karité plutôt que les amandes brutes, elles pourront en faire un véritable outil de développement. Les femmes qui y œuvrent et leurs familles pourront alors regarder l’avenir avec un peu plus d’espoir. Elles le méritent bien.

À venir : un projet innovateur pour ouvrir les portes de l’exportation
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25 nov. 2009

Je suis Africain à Paris (ou presque)

Je le confesse, j’étais très content de prendre l’avion pour l’Europe et changer d'air pour une semaine. Je n’ai pas été déçu, mon séjour a été bénéfique autant professionnellement que pour mon équilibre mental. L’aspect professionnel sera abordé dans un prochain texte. Parlons du mental.

En ce qui concerne les attraits touristiques ou la culture, Francfort est loin d’être la ville la plus intéressante d’Allemagne. C’est le centre économique de la première puissance européenne. Pourtant, il existe un petit « Vieux-Francfort » en bonne partie reconstruit après les destructions de la guerre 39-45. On le traverse assez rapidement pour arriver à la « Main ». Ici, ce n’est pas un boulevard, c’est une rivière. Il y a Francfort-sur-Main et Francfort-sur-Oder plus à l’Est. C’est là que j’ai eu mon premier choc. Voir plein de gens marcher nonchalamment sur les rives d’une rivière en empruntant des voies réservées aux piétons. Je me sentais comme un prisonnier qui sort de prison et est émerveillé devant une chose aussi banale que de rentrer dans un dépanneur pour y acheter une barre de chocolat (J’ai vu ça dernièrement à Cowansville). De beaux endroits pour marcher tranquille à Bamako, ça n’existe pas.

Deuxième émerveillement, nous entrons dans une vieille église. Un grand orchestre accompagné d’une chorale se prépare à une générale du Paulus de Mendelssohn qui sera présenté en fin d’après midi. C’est un puissant rappel que la culture allemande, trop souvent dénigrée, est aussi celle des Goethe, Beethoven et autres. Très beau à entendre par ce dimanche ensoleillé de Novembre.

Puis, il y a eu Paris. Par de belles journées fraiches et ensoleillés d’automne, c’est un petit paradis. On ne sait quelles mouches ont piquées les parisiens, mais les râleurs hautains de mes souvenirs ont mystérieusement disparus. Partout on est gentils. Enfin,presque !

Puis, on peut se promener en vélo avec les vélib, les prédécesseurs de nos Bixi… Quand on a compris comment ça fonctionne. Au départ, comme c’est français, ça reste un peu compliqué. Mais quel bonheur de pédaler entre le Louvre, Notre-Dame-de-Paris, Saint-Germain-des-Prés et le Père-Lachaise. Pour ne payer qu’un euro par jour, on doit changer de monture à tous les trente minutes. Belles occasions pour marcher un peu, prendre une bouchée, visiter une des ces innombrables petites boutiques qui bordent les rues de Paris. Et l’air y est si pur comparé à celui de Bamako !

Pendant ce temps,moins chanceuse ma collègue Malienne a profité du système de santé français pour passer des tests médicaux. La vie à Bamako c’est dur pour la santé. Entre l’air irrespirable, le paludisme et autres maux, l’espérance de vie n’y est que de 53 ans. Mon âge !

Voir aussi les photos dans l'album...

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14 nov. 2009

Des moutons en ville, des éléphants dans les champs

Bamako est actuellement envahi par les moutons. En temps normal, il est habituel d'y croiser ici et là des ruminants. Par exemple un soir en rentrant d'une sortie, j'aperçois une vache attachée devant mon hôtel situé en plein centre-ville. J’ai dû revenir sur mes pas pour confirmer cette apparition inatendue. Il faut dire que l’éclairage urbain à Bamako est, comment dirait-on, discret évitant ainsi la pollution lumineuse pour les observatoires astronomiques. Bref, je me suis approché et j'ai constaté que la bête en était bel et bien une et bien vivante en plus. Mes consommations de la soirée qui se terminait ne m'avait pas joué de tours.

En ce moment, les moutons sont omniprésents en ville et ce sont des troupeaux entiers qui se déplacent et broutent les quelques rarissimes verdures que l’on peut encore y trouver. La raison : la fête du mouton, appelé aussi l'aid al kabir, s’en vient. À cette occasion, chaque Musulman doit sacrifier un mouton s’il en a les moyens. Comme les Maliens sont fiers et pratiquants, ils économisent pendant toute l’année pour avoir le mouton requis pour la cérémonie. Comme tout le monde veut son mouton en même temps, les prix explosent. Pour une bête bas de gamme, genre "spare-rib" sur 4 pattes, on devra payer plus de 60$. Le prix pourra tripler et même quadrupler pour une bête bien charnue. Une fortune pour les gens d’ici. En ce moment, l'inflation des prix du mouton fait la une des journaux.

Puis, comme c’est une fête, il faut s’habiller. Les innombrables petites échoppes de couturiers fonctionnent à plein régime. En marchant le soir, on peut voir les hommes, oui ici ce sont des hommes, encore penchés sur leur machine à coudre primitive. Les robes et les boubous aux couleurs vives et finement brodés de motifs esthétiques sont accrochés aux murs. Ils donnent de l’opulence à ces boutiques à l'allure plutôt modeste.

Hier, une autre invasion animale a fait la une des journaux. C’est celle d’un troupeau composé d’une vingtaine d’éléphants qui s’est attardé sur les terres de paysans de la région de Sikasso. C'est bien connu qu'un éléphant dans un magasin de porcelaine va faire du dommage. Eh bien, une vingtaine d’éléphants dans un champ cultivé en font autant. Au Mali, il y a encore des éléphants sauvages qui se déplacent au fil des saisons pour se nourrir et s’abreuver. Charmant pour les étrangers, c’est problématique pour les locaux qui ne bénéficient ni d’assurances, ni d’aide de l’État pour compenser les pertes. Une illustration de la lutte éternelle entre la nature et l’humain !

Pour terminer un petit bijou de l'Islam lu dans un livre du grand écrivain Malien, Amadou Hampâté Bâ, dont je vous parlerai plus tard:

"Aucun croyant ne doit quitter cette terre sans avoir, au moins une fois dans sa vie, violé la loi au nom de la pitié"

À méditer...
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13 nov. 2009

Représenter le Mali à une rencontre internationale sur les cosmétiques

Je m’envole samedi soir en direction de Francfort en Allemagne pour participer à une rencontre internationale : « Sustainable Cosmetics Summit». J’accompagne la directrice du Projet karité du Ministère de la promotion de la femme du Mali, Mme Binta Bocoum. Si quelqu’un m’avait dit qu’un jour je représenterais le Mali à une rencontre sur les cosmétiques, je me serais sérieusement interrogé pour sa santé mentale ou encore sur sa consommation de produits illicites. Comme quoi la vie nous place parfois dans des situations inattendues.

Voici la logique de se déplacement qui est payé par rien de moins qu’une agence de l’ONU, UNIDO, vouée au développement industriel. Des installations de production ont été financées et mises en place dans 3 régions du Mali. La production va bien tant au niveau de la quantité que de la qualité. Par contre, le marché reste à développer. Les possibilités du marché local et celui de l’Afrique de l’Ouest sont limitées par le faible pouvoir d’achats des consomateurs. Un des plus faibles au monde.

L’exportation au Nord pour le marché des cosmétiques apparait comme une avenue prometteuse. Le contexte du développement durable peut être une porte d’entrée naturelle. On estime le marché des cosmétiques naturels et/ou équitable à plus de 1 milliard $ par an et il se développe à un rythme soutenu. Notre participation à ce sommet sera une bonne occasion pour en savoir plus sur ce marché, d'en connaitre les conditions d’accès et de se faire des contacts. Les organisateurs nous ont même réservé un petit moment afin de présenter notre projet à la centaine de personnes qui vont y participer.

Un dossier à suivre en exclusivité sur le blogue…

11 nov. 2009

Rejoindre le monde



Voici un bilan quantitatif de mon blogue

Au 10 novembre 2009 il y a eu :
1,292 visites par
635 visiteurs venant de
25 pays répartis sur 4 continents

Merci à tous

À ne pas manquer : un coureur des bois québécois représentera le Mali à une rencontre internationale sur les cosmétiques biologiques et équitables à Francfort !

8 nov. 2009

La rencontre d’orientation

La directrice du Projet karité, Binta Bocoum, a convoqué une rencontre de trois jour afin de faire le point sur l’organisation des centre de production et de proposer de nouvelles orientations pour les activités commerciales. Il y a 6 centres de production en opération et 2 autres en voie de l’être. L’essentiel des ventes se fait par le Projet karité et un transfert doit se faire vers une structure autonome et qui sera contrôlée par ces centres.

Une trentaine de personnes participaient à cette rencontre : des représentantes des centres de production, des cadres et des conseillers et conseillères du Ministère, les employés du projet ainsi que les trois vaillants coopérants canadiens qui y œuvrent. Une représentante de la Ministre et Souleymane du CECI ont participé à la cérémonie d’ouverture. Très important ici le cérémonial.

Dans un premier temps, nous avons fait un portrait de la production et des ventes par centre pour compiler le tout et permettre à tous de mieux connaître ce que font les autres. Ceci nous a permis de réaliser que l’on n’avait réussi à vendre que moins du tiers de la production de l’année qui vient de se terminer. De ces faibles ventes, moins de 20% se font au niveau local. Cette situation qui pourrait sembler catastrophique ne l’est pas tout à fait : l’arbre à karité produit par cycle de 2 ans. Les amandes et le beurre peuvent se conserver plusieurs année s’ils sont entreposés dans de bonnes conditions. Cette année, on prévoit que la récolte sera équivalente à environ 25 % de l année précédente. Mais tous s’entendent qu’il faut augmenter les ventes. Mais comment ?

Dans la deuxième partie de la session, je leur ai proposé une formation sur les marchés du karité. Chacune d’elles vend du karité qu’elles produisent artisanalement à la maison. C’est un incontournable à la campagne pour passer au travers de ce qu’on appelle la soudure : la période entre les récoltes. La sécheresse. Donc, elles vendent leurs produits à divers clients, sont confrontées à des compétiteurs et leur produit doit composer avec des substituts. À la campagne, la principale utilisation du karité est comme gras de cuisson, c’est l’huile de coton qui peut le remplacer. Je les ai mises à contribution pour identifier les différents acteurs et la participation a été très bonne. C’est un univers qu’elles connaissent. Parce qu’il faut le dire, autrement la participation lors de cette rencontre a été principalement celles des conseillers et des conseillères du Ministère qui les supportent.
Puis j’ai abordé ce qui est plus lointain, les marchés du beurre amélioré et des produits transformés. C’est pas mal plus abstrait pour elles. Comme le beurre amélioré se vend trois fois plus cher que son équivalent artisanal, les clients en campagne se font rares. L’objet de cette partie de ma présentation était de leur souligner que le développement de ce marché très prometteur, ne l’oublions pas, prendra du temps et sera difficile à faire pour de petites entités rurales. Le message a très bien passé.

Ensuite, nous devions expliquer comment nous pouvons développer ce marché et rentabiliser l’entité qui va le faire. Tout d’abord, j’ai du faire le point sur la formule actuelle qui est de retenir 17% des ventes pour financer les opérations de commercialisation. D’une part, il faut suivre chaque pot pour connaitre son prix final de vente pour fixer le revenu que touchera la Coop qui l’a produit. Ceci devient très compliqué au fur et à mesure que les ventes et le nombre de clients augmentent. Puis le montant est largement insuffisant car il couvre à peine les coûts des pots et des étiquettes.

Je leur ai proposé un modèle selon lequel l’entreprise en devenir va acheter et revendre les produits. Le prix d’achat devra être juste tout en permettant d’être compétitif sur les marchés et permettre à l’entité de survivre. Ceci est réaliste mais à quelques conditions : Tripler les ventes en 5 ans, bien gérer toutes les ressources et réserver autour de 30% des ventes pour l’entité qui en sera responsable. Des ateliers ont été prévus pour prendre le pouls des participants. Lors de la plénière qui a suivi, ils ont signifié leur accord.

Le dernier élément de cette rencontre était l’organisation des centres qui prend beaucoup plus de temps que prévu. L’opération se heurte à de nombreux obstacles et les acteurs ont peu de formation pour les affronter. Tous s’impatientent et se renvoient la balle. Avant que le tout ne dégénère, je leur ai proposé de se faire un plan de travail avec des tâches précises, d’identifier des responsables avec un échéancier. Mon intervention a porté fruit et un plan a été produit.

Les participants ont évalué cette rencontre de trois jours de façon très positive. Elle va permettre au Projet Karité d’amorcer une période de transition pour transférer ses responsabilités vers les centres de production et vers la future entité qui sera responsable de commercialiser leurs produits. Il reste encore beaucoup de travail à faire et de nombreux obstacles vont apparaitre. Comme on le dit si bien chez nous, y’en aura pas de facile. Mais c’est le début d’une nouvelle étape pour ce projet ambitieux et essentiel. À suivre…
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7 nov. 2009

Spécial : souvenirs du mur de Berlin

Je profite du 20ième anniversaire de la chute du mur de Berlin pour vous apporter mon témoignage personnel sur cette étrange construction. J’ai eu l’occasion d’aller à Berlin deux fois avant la chute et j’y suis retourné une fois par après. Berlin demeure une des villes les plus intéressantes au monde. Que ce soit par son histoire, son architecture ou le bouillonnement culturel que l’on y retrouve. Mais la présence du mur lui donnait un aspect unique et spectaculaire que l’on ne peut oublier.

Tous d’abord on parle du mur, mais en fait c’était deux ou trois murs et entre chacun un « no man’s land » hermétique. Ce territoire interdit rappelait étrangement les camps de concentration. De l’autre coté du mur, on pouvait y observer de près d’énormes bergers allemands attachés à intervalle régulier, des tours de garde habitées en permanence et une route fréquentée par des soldats armés dont l’habillement tout en gris rappelait ceux des nazis. Le tout avait une efficacité bien allemande. Peu de gens ont réussi à franchir cet obstacle et plusieurs y ont perdu la vie.

Ce rappel douloureux de l’histoire n’était pas situé en fin fond de campagne ou dans un musé, il transperçait la ville en plein cœur. Deux édifices historiques s’y trouvaient piégés. Tout d’abord le Parlement Allemand, qu’Hitler avait pris le soin de passer au feu pour marque le début de sa dictature et dont la prise par l’Armée Rouge en 1945 a en marqué la fin. Ce moment a été immortalisé par la photo du soldat soviétique issant le drapeau soviétique à son sommet. Une des plus fortes images de l’Histoire contemporaine. La porte de Brandebourg un symbole puissant de la puissance des empires du passé elle était gardée bien en vue par des soldats Est-allemands.

Comme visiteur, nous pouvions voir cette blessure architecturale mais le drame humain des familles séparées demeurait abstrait. Par contre, l’impact de ce mur ayant pour objet se séparer deux sociétés devant se développer de façon radicalement différente était frappant. Tout d’abord, l’Ouest a été graduellement envahi par des jeunes marginaux fuyant le service militaire obligatoire en République Fédérale (Ouest) mais dont étaient exemptés les résidents de Berlin-Ouest. De plus, comme pour en sortir il fallait traverser le territoire de la République Démocratique (Est), deux heures de route , il s’était développé à Berlin-Ouest une activité urbaine et une vie nocturne unique au monde. Bref, Berlin-Ouest était une ville à l’avant-garde de la modernité. Un méga Plateau-Mont-Royal. À l’Est, c’était pas mal différent !

Pour y traverser, rien de plus facile pour un occidental. On prenait le métro dont la construction était antérieure à la division de la ville. Deux lignes de l’Ouest traversaient le centre historique, maintenant coté Est, pour revenir par après vers l’Ouest. À l’endroit où la rame de métro passait sous le mur, les parois du tunnel se ressaieraient dramatiquement pour s’assurer qu’aucune personne de L’Est ne s’aventure à s’accrocher à un wagon. Puis, on traversait une ou deux stations abandonnées. Elles étaient dans leur état authentique, faiblement éclairées et patrouillées par des soldats mitraillettes à l’épaule et berger allemand en laisse. Assez spectaculaire. Puis, on arrivait à la station d’où l’on pouvait sortir et accéder à l’Est. On pouvait aussi tout simplement y descendre pour y acheter au kiosque un paquet de cigarettes à un prix imbattable ou encore l’Humanité, le journal du Parti Communiste Français, moins cher qu’à Paris !

Une fois à l’extérieur, on devait se procurer le visa et changer une vingtaine de dollars en monnaie locale, le Mark de l’Est, que l’on devra dépenser pendant la journée car il n’avait aucune valeur à l’Ouest. Ceci devait s’avérer tout un défi. En effet, grâce au communisme tout ce qui était vendu, que ce soit les transports, la nourriture ou les biens de consommations devaient être accessible à la classe ouvrière. Le problème c’est qu’il y avait à peu près rien à vendre et que le peu qui était offert était de mauvaise qualité.

Nous avions entamé notre promenade dans Berlin-Est en marchant dans les rues limitrophes de la station. C’était un véritable voyage dans le temps. Pas d’édifice moderne, les plus récents étaient du modèle stalinien rappelant les tristes années 30. Pas de commerce privée, que de petits cafés ou de petites boutiques d’état à l’affichage discret et à la devanture rappelant l’avant guerre. Le plus curieux c’étaient les gens. Bien que vivant tous finalement dans la même ville, le contraste était saisissant. L’Ouest était éclaté avec ses punks, ses hippies, et ses gens ayant la réussite bien en évidence. Au contraire, l’Est était gris et uniforme. Des gens habillés comme dans une petite ville de la campagne québécoise du début des années soixante.

Contrairement à ce que l’on peut penser, certaines personnes de l’Est pouvaient voyager sans restriction à l’Ouest : les retraités. La raison était simple, l’État désirait s’en débarrasser afin de ne plus avoir à payer leur retraite. Ainsi, ils étaient nombreux à venir passer la journée à l’Ouest. Ils étaient facilement reconnaissables par leur habillement mais aussi par leur énorme sac qu’ils portaient. Leur visite n’était pas touristique. Ils étaient mandatés par leurs proches, qui ne pouvaient faire le déplacement, afin d’acheter ce qui était introuvable à l’Est. Des choses aussi banales que des oranges, des bananes ou encore du papier de toilette !

La fierté allemande avait été durement mise à l’épreuve par l’histoire récente et ne pouvait tolérer indéfiniment cet affront. Le mur a fini par sauter et bien qu’on ait tout fait pour l’effacer, il laisse encore des traces dans la ville, dans le pays et dans la tête des gens. C’est une plaie qui nous rappelle cette guerre entre les deux folies idéologiques du 20ième siècle et qui a couté la vie à des dizaines de millions d’innocents. C’est aussi un des souvenirs les plus forts de ce que j’ai gardé de mes voyages de par le monde.

4 nov. 2009

Le Projet Karité : un projet ambitieux aux bases fragiles

Le Mali est une femme prude qui dévoile ses secrets à doses homéopathiques. L’étranger qui arrive ici en suivant les recettes apprises dans son pays va faire chou blanc. Le plat va immanquablement coller au fond de la casserole. À l’opposé, celui qui veut poser un bon diagnostic avant de prescrire une quelconque potion doit s’armer de patience, de diplomatie, de ruse, de doigté et faire preuve d’une vivacité d’esprit sans faille. La patiente est discrète sur ses maux et sur ses états d’âme.

Je ne vous apprendrai rien en écrivant que la réalité ici est radicalement différente de la nôtre. Elle est également complexe. Tout est imbriqué et on doit composer avec les réalités économiques, culturelles, géographiques, sociales et historiques. De plus lorsque certaines choses nous échappent, les explications ne viennent pas de soi et LE facteur déterminant sur lequel on devra s’attaquer en priorité peut prendre beaucoup de temps à se manifester. S’il le fait.

Le Projet karité pour lequel je travaille est un projet ambitieux. L’UNIDO (organisme des nations unis pour le développement industriel) a financé 8 centres de production de karité sur l’ensemble du pays. Le Projet Karité est géré par le Ministère pour la promotion de la femme de l’enfant et de la famille. Assez rapidement, on parle de 5 ans, ces centres doivent s’autofinancer et s’autogérer sous une forme de coopératives. Trois des ces centres bénéficient d’installations et d’équipements qui on couté plus de 50 millions de FCFA (100,000 $). Les autres plus de 30,000$. Une fortune ici. De plus on y a injecté des bonnes sommes comme fonds de roulement pour financer les premiers achats de karité des productrices.

Le tout a bien démarré. Une marque de commerce et une image ont été établies. De nouveaux produits de qualité sortent des centres grâce à de nombreuses formations et des équipements adaptés. Mais en ce moment, le projet est à un point tournant. Les stocks s’accumulent, les fonds de roulement s’épuisent et les productrices commencent à s’impatienter. Les marchés doivent être développés, un système de gestion des ventes et des achats doit être mis sur pied, la politique de prix doit être réévalué. De plus, les coopératives des centres de production doivent se prendre en main, ce qui est loin d’être évident lorsque la grande majorité de ses dirigeantes sont illettrées.

Cette semaine, nous avons une rencontre de 3 jours avec les dirigeantes des centres de productions, des déléguées du Ministère et des gens du CECI. Des orientations seront proposées afin de franchir cette nouvelle étape.
C’est un défi colossal dans un contexte difficile et complexe. Pour le relever, les compétences en gestion font cruellement défaut. Les Maliens peuvent compter sur la collaboration de coopérants volontaires comme moi pour les assister. Ce n’est pas suffisant, car nous manquons souvent d’expérience ou de temps pour bien faire et les interventions peuvent être contradictoires d’un coopérant à l’autre.

C’est une des multiples raisons qui fait que de nombreux projets ne remplissent pas leurs promesses.

Inch Allah !
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2 nov. 2009

Le blues de Bamako


Tous les étrangers qui vivent ou travaillent ici ont des moments de découragement. Hier soir par exemple, je dois aller souper chez des amis. Je me rends au stand de taxi à coté de l’hôtel. Les 5 ou 6 chauffeurs présents doivent discuter afin de bien identifier l’endroit précis où je dois aller. Puis, il faut négocier le prix: 1,500 FCFA (4$). Pas de problème jusqu’ici. Mais le chauffeur me demande si j’ai la monnaie car lui n’en a pas. C’est normal ici. Comme je n'en ai pas, il part à la recherche auprès de ses collègues, personne n’en a. Pendant que je me débats avec les moustiques qui ont envahi sa bagnole, il fait 2 ou 3 commerces avant d’en trouver. C’est le moment de partir… Sa Mercédès en ruine ne démarre pas. Ses collègues viennent pousser et après plusieurs toussotements le moteur diésel se décide à collaborer.

Ici, il y a une suite infinie de frustrations. Tout casse. Tout tombe en panne. Que ce soit, l’électricité, l’eau, le téléphone, l’internet, l’ascenseur, la climatisation, la télé, le taxi ou je ne sais quoi encore, tout fini par vous laisser tomber et souvent au moment où vous ne vous attendez pas. Pas surprenant, tout est de mauvaise qualité, utilisé à 200% de sa capacité et dégradé à un point où la mise au rancart serait chose faite depuis longtemps dans un pays normal. Alors, tôt ou tard on finit par soi-même disjoncter. Que ce soit une petite crise verbale ou un moment de découragement où l'on de demande sérieusement ce que l’on est venu faire ici.

La réaction des Maliens est toute autre. Ils demeurent calmes et vous diront qu’ils vont arranger le tout rapidement. Il semble que la théorie de l'évolution trouve ici une belle application: ceux qui sont nés ici sont faits pour affronter ce genre d’obstacle avec le sourire. Par miracle, un sauveur sorti de nulle part va apparaitre. Il transporte une besace aussi usée que la machine qu’il vient réparer. Il en sort quelques outils rudimentaires et il va immanquablement régler le problème. Les sceptiques seront confondus.

Dans le taxi, je rumine en silence mes frustrations. En passant devant un kiosque, je craque et je m’achète un paquet de cigarettes (1,25$!!!). Puis, nous quittons le bitume. La voiture gondole au gré des nids de poule. Montréal vous n’avez rien vu. Je me demande si la ruine dans laquelle nous ondoyons va tenir le coup jusqu’à bon port. Il fait noir et on ne voit rien. Le gondolier arrête devant une porte où somnole un agent de sécurité. C’est là ! Incroyable! je pousse un cri d’émerveillement et remercie le chauffeur manifestement fier de son coup. Il me tend la main et nous échangeons une chaleureuse poignée.

Je suis bon pour me rendre au prochain obstacle…
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1 nov. 2009

Les élections à Montréal vu de Bamako,

 

Lors de mes voyages de jeunesse, pour savoir ce qui se passait au pays il fallait passer par l’Ambassade du Canada afin d’y lire les journaux. Le Canada est un long fleuve tranquille dont on entend à peu près jamais parler dans le monde sauf au moment des référendums québécois. Le silence risque de perdurer un bout de temps !

Mais maintenant, je peux suivre l’actualité de près. Je lis les journaux avant vous grâce au décalage horaire (+5 depuis ce matin). Comme je travaille avec internet, je peux entendre à quel point les 450 poirotent sur les ponts et ce en temps réel. Et puis, si l’appel du muézin me réveille au petit matin (5h30), je peux aller regarder le téléjournal de la veille. En fait, 3h30 après vous. Tout ceci fait qu’on peut suivre de près ce qui se passe au loin à la maison. Attention, je vous ai à l’œil.

Au début de mon séjour, je suivais peu la campagne électorale. Mais les derniers évènements ont fouetté mon intérêt. Mais je trouve toujours difficile de répondre à la charade qui nous est offerte :
Mon premier ne voit rien et est complètement dépassé par les évènements. Ma deuxième, ne voit que la moitié des choses ne pouvant communiquer ni avec la moitié de ses concitoyens ni avec ses partenaires continentaux. Mon dernier est un illuminé aveuglé par ses convictions et qui ne semble pas avoir le gabarit pour étreindre ma ville chérie.

Montréal est ingérable. D’une part elle est prise avec une bureaucratie qui en a tous les défauts. Ses employés sont rebelles et ingérables. On y a créé des petites baronnies, les arrondissements, hors contrôle. La région métropolitaine n’a pas de gouvernance digne de ce nom. Finalement, La « constitution » de la Ville est loin, pas à Londres, mais à Québec qui s’en fout car peu importe qu’on y soit bleu ou rouge, ils n’ont aucun gain électoral à y faire. La représentation politique de Montréal est aussi stable que le roc des Laurentides.

Pas surprenant que les gens d’envergure ne se bousculent pas au portillon. Pauvre Montréal ! Pour vous consoler, dites-vous que c’est pas mal plus compliqué à Bamako. On s’en reparle…
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