27 oct. 2009

Une rencontre exceptionnelle

Au deuxième jour de notre expédition, nous avions rendez-vous en matinée à Kimini, une petite communauté rurale située à une quarantaine de kilomètres è l’est de Ségou. Le départ a lieu vers 8 heures et déjà la chaleur est omniprésente. À peine sortis de la ville, le climatiseur de notre véhicule rend l’âme. Je crains le pire. La veille notre rencontre avait lieu dans l’entrepôt de la Coopérative où nous avions assis sur un banc le dos appuyé sur un mur brulant. Rapidement, je me suis mis à transpirer comme dans un sauna.
La route se fait rapidement et nous arrivons au petit village situé en bordure du goudron. Après être passés par le bureau du maire du village afin de faire signe de certificat de mission, nous arrivons sur les lieux de la coopérative. Une cinquantaine de femmes sont assisses en rond bien à l’ombre d’un grand arbre. Une table et 4 chaises neuves nous attendent. L’animateur du Ministère nous accueille. Vous avez bien lu, il s’agit d’un homme, le seul que l’on va croiser dans toutes ces rencontres. Il agira comme traducteur car aucune de ces femmes ne parlent français.
Nous prenons place et une douce brise agréable vient me rassurer. Nous faisons face à ces femmes assises sur des bancs rudimentaires. Elles sont d’âge très variés. Toutes sont vêtues de leurs robes bien propres aux motifs colorés. Chacune porte un châle et l’inévitable turban sur la tête. Mais les couleurs ne sont pas harmonisées et aux pieds elles portent toutes des gougounes usées. Bien qu’elles aient fière allure, on devine la pauvreté. Trois d’entre elles ont leur bébé dont deux allaitent bien en vue face à moi.
Un oiseau dans l’arbre défèque sur notre table au grand plaisir de tous. Le dégât est vite ramassé et il parait que ça porte chance. Après les présentations, je prends la parole et décide de profiter de leur présence pour en savoir un peu plus sur leur vie et la place qu’occupe le karité. Rapidement, une femme prend la parole et d’autres enchaînent. La participation est bonne, la parole franche et facile. Elles me soulignent l’importance du karité dans leur vie. À la maison, pour la cuisson et à l’extérieur comme activité commerciale. Elles en ont tous plusieurs, mais le karité demeure la principale source de revenus. Elles apprécient la création de la Coop. Elle leur a permis d’avoir de la formation et d’améliorer leur production. Elle a également pour effet d’augmenter leur revenu. Un peu, prennent elles le temps de spécifier. Les acheteurs privés payaient de 75 à 100 FCFA le kilo d’amande (,20 à 0,25 $) et la Coop paie 150 FCFA (0,40 $). Les attentes sont claires.
Elles ont grand besoin de partenaires qui achèteront leur karité. Comme elles sont en région éloignée et peu fréquentée par les touristes, elle dépendent à 100% des achats du projet Karité. L’an passée, la Coop a produit 2,380 kilos de beurre et il en reste encore 1,400 à vendre. Elles apprécient l’autonomie que leur offre la formule coopérative mais expriment avoir un grand besoin de formation. Après avoir passé la parole à mes collègues et avoir eu des réponses aux questions posées de part et d’autres, je leur fais part de mes réflexions sur le marché du karité. Selon moi, il y a beaucoup de potentiel, mais ce marché prendra du temps à se développer. D’une part, le marché local est limité par le pouvoir d’achat des Maliens et de la présence du beurre traditionnel beaucoup moins cher. Tous en conviennent. Les marchés internationaux offrent des possibilités mais prendront du temps à se développer et ce sera important qu’elles soient regroupées pour le faire. Une petite Coop au bout du monde a peu de chance de le percer. À la fin de mon intervention, je suis applaudi. La femme Malienne a une patience légendaire qu’elle a dû développer pour survivre et élever ses enfants envers et contre tous. Manifestement, elle en aura encore besoin.
Pour terminer la rencontre, des hommes sont apparus. Ce sont trois percussionnistes du village qui entament des rythmes harmonieux. Ils jouent d’instruments d’un autre âge et qui émettent des sons clairs et puissants. Les femmes s’agitent viennent tour à tour faire leur numéro de danse et ce peu importe leur âge. Celles avec le bébé au dos ne sont pas en reste et la petite tête à l’arrière se met à branler à un rythme inquiétant. Au point où une mère est ramenée à l’ordre par une ainée. Sortie de nulle part, une horde d’enfants est apparue et ils nous scrutent du regard. Ils n’ont peut-être jamais vu de blancs d’aussi près. Une bande de jeunes filles viennent s’agiter à notre coté et nous démontrer que le rythme de la danse fait partie de leur code génétique. Vraiment sympathique.
Nous devons quitter assez rapidement, car nous avons un long déplacement de prévu. Les adieux sont chaleureux, les poignées de main sincères. Une fois dans le véhicule, je réalise que si parfois je me demande ce que je suis venu faire dans ce pays, à ce moment je n’en ai aucun doute. D’une part, j’ai touché à une portion de vie de notre humanité à laquelle je n’aurais jamais eu accès autrement, et, d’autre part, je quitte avec le sentiment que la petite pierre que je peux poser dans cette œuvre a une réelle et profonde utilité.

26 oct. 2009

3) L’ordre de mission


S’il y a une chose que je trouve déroutante et tout à fait symbolique du gouffre culturel qui nous sépare des Maliens c’est bien la signature de l’ordre de mission et de l’apposition du tampon de l’autorité concernée. Au départ, le truc est simple. L’organisme qui finance la mission, une visite dans une Coop à la campagne par exemple, doit avoir une pièce justificative afin de prouver que la mission a bel et bien eu lieu et que les dépenses nécessaires étaient donc justifiées. Jusqu’ici rien à dire. Ce sont des fonds publics canadiens, Maliens ou encore d’Organisations internationales qui sont ici en jeu. En ce qui concerne cette mission, il y a deux organismes partenaires : le CECI et le Ministère de la famille, de l’enfance et de la famille. Donc deux ordres de mission à faire valider. Ces deux ordres de Mission devront être validés par les autorités des trois lieux où nous irons. Donc 6 signatures et 6 tampons.

Où ça commence à se compliquer, c’est quand il s’agit d’identifier l’autorité apte à valider le dit document. Chez nous, le responsable de la Coop devrait pouvoir le faire, mais ici, il faut viser plus haut. Dans la tradition française, la délégation d’autorité se fait au compte-gouttes car il faut bien faire sentir de façon régulière à l’administré qui est le fondé de pouvoir dont il dépend et auquel il doit soumission totale. Alors, si nous allons dans un petit village, c’est le maire qui doit signer et apposer lui-même son sceau. À Kimini, ce serra l’occasion de voir son bureau vétuste et pratiquement vide. A l’opposé, Il y a plein de monde à la mairie, ce que j’ai de la difficulté à m’expliquer pour une aussi petite entité administrative. Le maire en habit traditionnel porte un magnifique chapeau et nous souhaite la bienvenue. Cette procédure est aussi l’occasion de rencontrer le grand patron local. Il prend un grand soin à bien écrire les dates d’arrivée et de départ et appose une signature artistique et solonelle. On est loin de mon indéchiffrable gribouillis que j’appose sur de moins en moins de papier. Puis il prend avec respect le tampon et la boite d’encre pour apposer délicatement le sceau.

Au cours d’une mission précédente, nous sommes passés à Diola un petit village qui est aussi le siège le du préfet du Cercle, l’équivalent du département Français. C’est donc lui qu’il a fallu rencontrer. Le Cercle est situé dans un édifice datant manifestement de la période coloniale, qui s’est terminé, rappelons le, il y a plus de cinquante ans. Une fois arrivés à destination, nous avons droit de couper la file d’attente et d’entrer dans le bureau où trône le préfet au milieu de montagnes de papiers. Derrière lui, la liste de tous les préfets depuis le début la période coloniale. Mêmes salutations polies, mêmes soins pour valider le précieux document. On discute un peu et il nous souligne le dévouement des femmes qui œuvrent au Centre du Karité pour presque rien. En laissant sous entendre qu’elles devraient gagner un peu plus. On va vérifier.

Dans les deux grandes villes que nous avons visitées, Ségou et Sikasso nous devons rencontrer la directrice locale du Ministère. En principe, ça devrait être plus simple, car elles sont directement impliquées dans le projet. Il n’en est rien. Dans un premier temps, il faut trouver le bureau. Si les gens au Mali n’ont pas de certificats de naissance, les édifices ne sont pas en reste : ils n’ont pas d’adresse. Souvent, les rues n’ont même pas de nom. Si elles en ont un, il n’y a pas de panneau pour l’indiquer. Pour simplifier les choses, les édifices administratifs sont saupoudrés sur toute la superficie de la ville souvent situés sur des chemins de terre impraticables avec une voiture normale. Pour nous rendre, on dispose en général d’une indication genre à coté de l’Hôtel X. On doit d’abord se renseigner pour trouver l’Hôtel et de là se renseigner de nouveau pour trouver l’édifice qui en général, il y a des exceptions, aura un panneau pour l’identifier. Or, à Ségou personne à qui nous l’avons demandé ne sit exactement où était situé l’hôtel. Au lieu de nous le dire franchement, l’interlocuteur émet une hypothèse qui s’avère plus ou moins exacte. C’est une belle façon de visiter la ville profonde, mais aussi de mettre ma patience à l’épreuve.

Après quelques tâtonnements, on tombe sur un édifice administratif, qui n’est pas celui que nous recherchons. Par miracle, la directrice que nous recherchons y est. Après une courte attente, nous la rencontrons et discutons un peu avec elle. L’accueil est chaleureux et elle nous rappelle qu’elle est directrice régionale du Ministère de la Promotion de la femme, de l’enfance et de la famille. En réponse à une de mes questions, elle nous souligne qu’elle est responsable du bien-être des enfants de la région. Et ici, les enfants, il y en a en moyenne plus de 5 par femme. Les femmes vivent pour la plupart dans des conditions extrêmes. Une responsabilité titanesque. Mais elle doit quand même prendre le temps de signer notre ordre de mission et trébuche au moment d’indiquer les dates, car nous repartirons le lendemain. Une fois le tout terminé, il manque le sceau. Il est dans son bureau. Qui est dans un autre édifice. Situé on ne sait trop où dans la ville. Je me sens bouillir et pas à cause de la chaleur. Heureusement, elle envoie son chauffeur nous guider manifestement contre son gré.

À Sikasso, mêmes tâtonnements pour trouver l’édifice. Une fois à l’intérieur, nous devons attendre pour avoir accès à la directrice et son tampon. Une fois dans son bureau, elle a des trucs à régler en bambara au téléphone. Puis, elle nous manifeste sont mécontentement du peu de délai dont elle a disposé pour organiser notre visite car elle a été malade en début de semaine. Puis d’autres téléphones. Nous devons attendre car elle va nous accompagner au centre.
Ce qui me donne le temps de bien examiner son bureau et son contenu. Elle a un ordinateur avec un écran plat. Nous avons l’occasion d’observer qu’elle s’en sert avec aisance. Au mur derrière elle, une affiche qui est en fait une lettre du Ministre de la santé à l’attention des directeurs d’hôpitaux et de cliniques médicales du pays. Le contenu est plutôt surprenant. C’est une mise en garde afin que les dirigeants prennent toutes les mesures afin d’interdire la pratique de l’excision dans LEUR établissement. Car il semble qu’il y ait encore quelques. Mais à l’extérieur c’est une autre chose. Selon plusieurs personnes à qui j’en ai parlé, la pratique de l’excision des jeunes Maliennes est encore généralisée et pas seulement à la campagne.

La signature de l’ordre de mission met à dure épreuve ma tolérance aux processus administratifs incohérent. Mais elle devient une porte d’accès des dessous d’une société bien différente de la nôtre

À suivre
4) Une rencontre exceptionnelle
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25 oct. 2009

2. La plaine du Niger


Notre tournée nous permettra de visiter trois centres et de faire une boucle dans le centre du Mali. Il faut rappeler que comme au Québec, l’artère du Mali est un des grands fleuves du monde, le Niger. L’essentiel de sa population vit en bordure du fleuve ou encore de celui d’un de ses affluents. Comme au Québec, les territoires du Nord sont déserts car le climat est inhospitalier. Ici, c’est la chaleur et la sècheresse : le Sahel puis plus loin le Sahara.

Nous avons donc descendu le Niger pour atteindre Ségou à 235 km de Bamako. La route qui y mène est à l’écart du fleuve et le paysage est plat et monotone. Comme la 20 entre Montréal et Québec. Par contre, ici nous avons accès à la vie locale. Le monde de la savane. On traverse une suite de petits villages avec leurs inévitables petits commerces rudimentaires au bord de la route. Les maisons et les petits entrepôts pour les récoltes sont tous en pisé, un mélange de terre et d’herbes séchés. Les toits sont en chaume ou et en taule. Une armée de femmes s’agitent derrière leur chaudron qui chauffe sous un feu de bois. Les enfants et les moutons tournent autour. Les hommes palabrent.

Tout le long du voyage, la circulation est clairsemée. On y croise des 4X4 comme le nôtre et qui permettent de sortir du goudron, les routes asphaltées. Pour plupart, ils appartiennent à des ONG. Quelques voitures, des transports en commun vétustes mais accessibles et des camions ayant de l’expérience complètent la circulation. Régulièrement, un des ces véhicules vénérables est en panne au bord de la route. Le chauffeur tente de le réparer ou de changer une crevaison. Parfois, le véhicule a rendu l’âme et il rouille lentement dans ce climat sec.

En fait, on croise surtout les populations villageoises qui se déplacent de façon que l’on appellerait chez nous écologique : à pied, en vélo ou sur une charrette tirée par un ou deux ânes. Les femmes ont infailliblement leur charge sur la tête et le bébé dans le dos. Selon l’heure, on croise les enfants qui vont ou reviennent de l’école, plusieurs ayant de longs trajets à effectuer. Entre ces écoles, régulièrement un troupeau de magnifiques bêtes aux cornes majestueuses. Elles sont parfois accompagnées d’un jeune berger pas toujours très fiable. Bref, on roule au milieu de l’Afrique rurale qui pullule de vie même si au Mali la densité de la population est plutôt faible.

Notre première halte est à Ségou. La ville est un ancien chef lieu colonial et en a gardé le charme. De magnifiques grands arbres rappellent les platanes du Midi de la France. Les bâtiments ont gardé leur stature. Comme la ville est touristique, quelques hôtels bien propres et des restaurants aux menus alléchants nous attendent. Aussi, une suite de kiosques d’artisanat avec leurs vendeurs insistants, mais à peu près corrects. Une jolie promenade au bord du Niger permet de voir les pêcheurs à l’œuvre, les femmes laver le linge et les inévitables bandes d’enfants jouer dans l’eau. Des excursions de pirogues sont organisées. Ça donne le goût de revenir pour y passer une fin de semaine.

L’autre ville que nous avons visité, Sikasso, est beaucoup moins intéressante et l’infrastructure touristique est à l’avenant. Nous avons roulé près de 1,000 kilomètres. Sur 80% de ce parcours les routes étaient en bonne condition.

À suivre
3) L’ordre de mission
4) Une rencontre exceptionnelle
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24 oct. 2009

Voyage au pays du karité: premier de 4 textes

1.- Les Coop

Les Coop de productrices de karité sont évidemment situées en milieu rural. Comme notre lieu de travail est à Bamako, une tournée des centres de production a été organisée conjointement par le Projet karité du Ministère de la Promotion de la Femme et le CECI. Cette semaine, nous avons fait une tournée de 3 centres situés au cœur du Mali. Trois personnes m’accompagnaient pour cette tournée tout d’abord Aline Marchand, coopérante du CECI et Yakoure’oun Diarra, conseiller au Ministère. Tous deux travailleront au cours des prochains mois sur la gouvernance des Coop. Modibo Diarra (aucun lien de parenté avec l’autre) est notre chauffeur. Il est employé du CECI.

Le projet Karité et financé principalement par Unido, une agence des Nations-Unies ayant le mandat de développer l’industrie pour lutter contre la pauvreté. C’est le Ministère de la Promotion de la femme, de l’enfance et de la famille qui gère ce projet. Grâce à cette initiative, huit centres de production de karité ont été créés. Six de ces centres sont déjà en opération et deux autres sont en implantation. Chacun de ces centres regroupe des productrices d’une dizaine de villages. Chaque centre a bénéficié d’une bâtisse et des équipements nécessaires à la production à savoir : un broyeur, un torréfacteur, un filtreur, des moules pour fabriquer les savons et les marmites, pots et autres petits équipements.

Pour chaque centre, une personne du Ministère supervise les opérations et agit comme animateur et formateur. Le centre a en général deux employées permanentes à la production, une directrice et une responsable de la commercialisation. Chaque centre deviendra graduellement autonome sous la forme d’une coopérative. Chacune d’entre elle est gouvernée par un bureau composé d’une représentante par village. Chaque unité villageoise est une coopérative ou une unité informelle.

L’incorporation de toutes ces coopératives n’est pas une mince affaire. Pour obtenir sa charte, que l’on appelle ici le récépissé, il faut fournir une série de pièces justificatives qui sont parfois longues à obtenir. Les femmes membres du bureau provisoire doivent fournir trois documents à commencer pas le certificat de naissance que la plupart n’ont pas. Ici, comme en France, c’est la municipalité qui doit délivrer le certificat. La majorité des mairies en milieu rural n’ont même pas l’électricité, il n’y a pas l’ombre d’un ordinateur. Les bureaux sont désespérément vides et vétustes. Imaginons leurs systèmes de gestion. La démarche peut être longue. D’autant plus qu’il y a des frais. Celles qui ont de la difficulté à les assumer éviterons d’en faire mention, fierté oblige, et trouverons maints prétextes afin d’expliquer les délais.

Une fois le certificat de naissance obtenu, il faut le certificat de résidence et finalement le casier judiciaire. Celui-ci est émis par le Cercle, l’équivalent du département Français. On touche ici à un des problèmes de l’Afrique : une bureaucratie à la Française sans en avoir l’infrastructure et les moyens pour rendre le tout opérationnel.

À suivre
2) La plaine du Niger
3) L’ordre de mission
4) Une rencontre exceptionnelle
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20 oct. 2009

Faire des affaires au Mali dans un contexte d’entreprise d’économie sociale

Il y a longtemps que je n’ai pas écrit sur mon travail. N’oublions pas que je suis ici avant tout pour réaliser un mandat d’aide internationale. Ma mission devait initialement porter sur la mise en marché du karité. Les activités commerciales du Programme Karité ont commencé depuis deux ans sous la marque commerciale de « Kalojé » Clair de lune en Bambara, la langue locale. La directrice du programme Karité, Binta Bocoum, m’avait aussi demandé de lui faire des projections afin de rentabiliser les opérations d’ici 5 ans. La participation du Ministère de la Promotion de la Femme sera vraisemblablement limitée à cette période.

En débutant mon travail, j’ai réalisé qu’il n'y avait eu aucune étude de coûts pour les produits vendus. Les prix avaient été fixés de façon aléatoire et selon mes premières analyses, ils étaient trop bas. De plus, bien que toutes les ventes et les achats fussent consignés dans un cahier, aucune compilation n’avait encore été faite. J’ai appris par après que cette situation surprenante est courante ici. Les compétences en gestion sont rares et il y a souvent un bailleur de fonds pour ramasser la facture finale.

J’ai donc proposé à mon « client » d’entamer une démarche de planification stratégique incluant un plan d’affaire chiffré ayant pour objectif de rentabiliser les opérations commerciales d’ici 5 ans. De plus, je leur ai proposé un système de gestion des ventes et des achats. Ma proposition a été acceptée avec enthousiasme.

Pourquoi un processus de planification stratégique avant de faire le plan d’affaire ? C’est pour que la raison d’être et le but à long terme que poursuit l’entreprise soient guident la prise de décisions. Ceci est important pour toute entreprise, mais c’est essentiel dans le cas de celles qui poursuivent des activités commerciales dans un but social. On évite ainsi que l’arbre cache la forêt.

Je leur ai proposé un projet ambitieux afin de les motiver à regrouper toutes les Coop de karité du pays :

La mission de Kalojé (raison d'être):

Kalojé est une entreprise d’économie sociale qui commercialise des produits de Karité dans le but premier d’augmenter les revenus des productrices. Propriété de Coopératives, Kalojé s’approvisionne exclusivement auprès de Coopératives afin de leur ouvrir des marchés auxquels elles n’auraient pas accès isolément. Ceci afin d’augmenter :
1) Le volume de vente de produits de karité ;
2) Le prix offert aux productrices ;
3) Le volume de vente de produits transformés au Mali avec une plus value ;

La vision (que sera Kalojé dans 10 ans et que sera son impact):

Devenir le leader national et international de la vente de produit de Karité de qualité et ayant une mission sociale auprès des productrices;
Que le taux de collecte des noix de karité au Mali passe de 60% à 85% ;
Que le prix payé au kilo à la récolte augmente de 100% ;
Que le % de karité transformé au Mali passe de 18% à 50% des exportations ;
Kalojé investira 10% de ses profits dans des projets sociaux dans les communautés des productrices

Les valeurs privilégiées de l’entreprise:

Équité : offrir aux productrices et aux employées des Coopératives une rémunération juste pour leur travail et répartir ses achats entre les Coop et les régions ;
Renforcement des capacités des individus et des collectivités : Formation et responsabilisation ;
Solidarité et entraide : Participer au développement local ;
Efficience : avoir des pratiques d’affaire professionnelles et ambitieuses ;
Transparence : Gouvernance, prix, pratique d’affaires ;
Promouvoir l’excellence et la Qualité : Produits, image et service de ventes ;

Je vous en donne des nouvelles…
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18 oct. 2009

L’Afrique : un gros Gaza ?

On peut assister en ce moment à une triste convergence. D’une part Gaza s’appauvrit suite au blocus imposé par Israël et, ne l’oublions pas, l’Égypte. Le niveau de vie de ses citoyens glisse lentement mais surement vers le niveau de celui des nations les plus pauvres d’Afrique.

D’autre part, les Africains sont de plus en plus confinés sur leur continent. Bien entendu, le nombre de kilomètres carrés sur lesquels ils peuvent circuler n’a rien à voir au minuscule terrain de jeu des Gazaouis. Mais une chose est certaine, il leur est difficile d’en sortir. Je viens d’en être témoin.

Il ya en ce moment en Argentine une conférence de foresterie (XIII World Forestry Congress). Au Mali, la valorisation du Karité permet de donner de la valeur aux arbres dont il est le fruit et faciliter ainsi leur conservation. Ce couvert forestier est un excellent rempart contre la désertification. Une amie, Fatoumata Coulibaly, conseillère en gestion pour la Coop de Siby a été invitée à participer à cette rencontre. Or, elle n’a pu se rendre. Pas parce qu’elle ne pouvait financer le vol et le séjour : tout était payé. Mais bien parce qu’elle n’a pas réussi à obtenir de visa.

Les Africains et autres ressortissants de pays désœuvrés ne peuvent circuler librement sur notre planète. Le mur de fer est tombé, mais il a été remplacé. Ici, en Afrique, les dernières poussières des grands empires coloniaux européens, Ceuta et Melilla deux enclaves espagnoles au Maroc, sont barricadées derrière un mur pour empêcher les hordes d’Africains de mettre le pied sur ce territoire européen. Ailleurs, l’Océan s’en charge et régulièrement, on retrouve des cadavres de pauvres hères ayant tenté leur chance.
Pour entrer par les portes de contrôle officiel, aéroports ou terminaux portuaires, il leur faut un visa. Pour l’obtenir, les Africains doivent montrer patte blanche. Il y a une anecdote assez amusante à cet effet. Un groupe de musiciens Africains devait aller rencontrer Roy Cooder pour une session de jams et d’enregistrement. Le groupe n’a pas obtenu les visas nécessaires et Cooder s’est finalement rabattu sur des musiciens locaux. Ainsi est né l’album Buena Vista Social Club !

Mais cette anecdote ne doit pas nous faire oublier que nous vivons dans un monde à deux vitesses. Pour nous occidentaux, obtenir un visa dans un pays étranger est une procédure souvent emmerdante et qui peut mettre notre patience à bout. Mais à moins d’avoir un mauvais dossier, l’issue est à peu près certaine : on va finir par avoir le tampon officiel sur notre passeport que beaucoup de gens envient. Pour les Africains, c’est une loterie.

Depuis quelques années, j’ai une image qui me poursuit. Je m’imagine être un extra terrestre qui arrive sur terre. Je visite le Canada, la France et d’autres pays occidentaux. J’admire le confort et le bien-être des gens qui y vivent. Les jardins luxurieux, les parcs où les gens pratiquent diverses activités sportives avec des équipements de pointe et les maisons grandes et propres. Puis j’atterris en périphérie d’une ville africaine. J’y vois les routes défoncées en terre, les habitations en tôle, les déchets qui trainent, les égouts à ciel ouvert et les gens qui vivent dans des conditions misérables. Puis je constate que ces gens sont en fait prisonniers de leur espace et ne peuvent avoir accès aux jardins bien verts que j’ai vu précédemment.

Bizarre de planète.
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15 oct. 2009

Commentaires sur ma rencontre avec un candidat à la présidence

M. Lanceni Balla Keïta a accepté de me rencontrer afin de faire une longue entrevue avec lui. Il connait bien les problèmes que vivent ses concitoyens et pose un bon diagnostic sur ce qu’il faut faire pour répondre à leurs besoins : mettre plus de ressources en éducation et pour les infrastructures. Par contre, lorsque vient le temps de voir comment on va financer le tout, c’est plus fragile. Je ne suis pas ici depuis assez longtemps pour porter un jugement éclairé sur la pertinence de sa candidature. Par contre, j’ai vu comment son hôtel est géré et il est fort à parier que sa façon de faire devrait ressembler à celle dont il va éventuellement gérer son pays.

Tout d’abord, l’hôtel de M. Keïta est situé juste à coté de la Maison du karité où j’avais rendez vous. Le contraste entre les deux lieux est saisissant et tout à fait révélateur d’une réalité profonde au Mali. La maison du Karité est une fourmilière où des femmes œuvrent obstinément à améliorer leur sort. Elles sont curieuses et avides de suggestions. Le lieu est propre et invitant. L’hôtel est une affaire d’hommes, presque tout le personnel est masculin et on les voit régulièrement assis à discuter. Pourtant, les chambres auraient besoin d’un bon nettoyage. L’accueil est correct, sans plus.

Lors d’une discussion que j’ai eue avec lui, M. Keïta s’est plaint du faible taux d’achalandage de son hôtel. Il a tout a fait raison, c’était presque vide lors de mon passage. Il constate que Siby est à l’écart des circuits touristiques car les étrangers se dirigent plutôt vers l’autre bout du Pays à Djenné et le pays Dogon, deux sites reconnus par l’Unesco. Pourtant Siby ne manque pas de charme. Le coin est joli et entouré de montagnes offrant plusieurs possibilités de randonnées. Il y a même une Coop qui offre des sorties d’escalade. C’est un havre de paix situé à moins d’une heure de Bamako qui nage dans le smog. Il y a plein de gens qui ne demandent pas mieux que d’y échapper pour la fin de semaine.

Il y a 2 hôtels à Siby et un 3ième en construction. Tous sont sur le même modèle plutôt charmant : de petites huttes traditionnelles. Le premier est rustique et il n’y a qu’une douche et une toilette pour tout le complexe. Le prix pour la nuitée est à l’avenant : 3,000 FCFA la hutte (8$). Chez Monsieur Keïta, la peinture est plus fraiche et on peut avoir une chambre de bain privée dans sa hutte. Mais le prix monte de 10,000 à 20,000 FCFA la case (25$ à 50$). Par contre, la propreté laisse à désirer et la literie est incomplète (pas de draps ni de taie d’oreiller). À mon avis, quelqu’un qui est prêt à y dormir va finalement opter pour le compétiteur. L’hôtel en construction sera plus haut de gamme, les huttes plus grandes et mieux aménagées et une piscine est déjà prête. J’ai rencontré le propriétaire et il prévoit louer à partir de 25 000 FCFA (62$). Les soucis de M. Keïta ne sont pas finis.

La situation de son hôtel me semble typique du Mali : beaucoup de potentiel mal exploité. Le contraste avec ses voisines de la Maison du karité est frappant et souligne un autre trait du Mali. Les femmes travaillent sans arrêt pendant que les hommes palabrent. M. Keïta pourrait faire beaucoup avec peu pour son hôtel en commençant par le tenir propre et améliorer la literie et les matelas. Puis faire une campagne de publicité, même modeste, dans les lieux fréquentés par les nombreux coopérants et travailleurs occidentaux de Bamako. Genre une affiche dans les quelques supermarchés que nous fréquentons tous. Éventuellement, offrir un transport par petit autobus climatisé les week-ends. Bref, un peu plus de travail, de rigueur et d’innovation. C’est ce qui lui manque et ce dont son pays a cruellement besoin.
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14 oct. 2009

Exclusif: Rencontre avec un candidat à la présidence du Mali

J’ai eu le privilège d’avoir une rencontre exclusive avec Lanceni Balla Keïta candidat à l’investiture de son parti pour la prochaine présidentielle du Mali qui aura lieu en 2012. M. Keïta est député de Siby au parlement Malien et membre du Parti Adema, la principale formation du pays.

M. Keïta a été brièvement Ministre dans le gouvernement de mission entre le coup d’état de 1991 et les élections générales qui ont suivi. Il est à souligner ici la similitude de la situation au Mali à cette époque et celle qui prévaut actuellement en Guinée. En 1991, une junte militaire prend le pouvoir et renverse le dictateur Moussa Traoré au pouvoir depuis une éternité, 1968. Le Président nommé, Amadou Toumani Touré, promet d’organiser des élections générales auxquelles il ne se présentera pas. Ce qu’il fit contrairement à ce qui semble vouloir se passer actuellement en Guinée.

Suite à ces élections , le parti Adema prend le pouvoir et Alpha Oumar Konaré est élu président puis réélu en 1997. Il ne peut se représenter en 2002, car la présidence est limitée à 2 mandats. Entre temps, Amadou Toumani Touré démissionne de l’armée et se présente à la présidence. Il est facilement élu puis réélu en 2007 et ce, sans avoir de véritable parti.

M. Keïta se prépare donc pour la prochaine élection où le Président actuel ne pourra se représenter. Avant d’aborder avec lui la question de sa candidature, je lui ai demandé comment il percevait son rôle de député de la circonscription rurale de Siby et qui compte 426,000 électeurs. Selon lui, le député doit « recueillir les aspirations de la population pour les monter aux autorités exécutives ». Il doit également « faire redescendre la portée des Lois adoptés à l’Assemblée Nationale pour informer de la conduite à suivre ». Il doit aussi servir d’intermédiaire entre les autorités et la population. Puis, ce qui est différent de chez nous, il a un rôle social en apportant de l’aide aux gens en besoin. Collaborer par sa présence, mais aussi par sa contribution financière, aux mariages, fêtes du Ramadan, entrée à l’école ou autres. Il juge ce travail très important dans un pays où 80 % de la population est illettrée.

Selon lui, les principaux problèmes auxquels sont confrontés les citoyens de son territoire sont le manque d’enseignants dans les écoles et le manque de matrones (qui ont un statut inférieur aux sages-femmes) dans les maternités. Il faut savoir que les écoles sont publiques dans les villes et les gros villages tels que Siby, mais dans les petits villages de la brousse l’école est communautaire et la communauté doit voir à payer ses enseignants. Ce qui est loin d’être évident.

Son programme comme candidat à la présidence va refléter ces préoccupations. Tout d’abord, sa priorité c’est l’éducation. Selon lui l’école au Mali « a un pied cassé ». Quand ce ne sont pas les enseignants, ce sont les étudiants qui sont en grève. Il faut améliorer le financement du système. Pour y arriver, il faut élargir l’assiette fiscale du Gouvernement en taxant le commerce informel. Il faut noter ici qu’au Mali, comme dans tous les pays africains, l’essentiel du commerce est informel et à la source de la survie précaire d’une part importante de la population. Vraiment pas évident. Ill y a quelques années, le Sénégal s’y est frotté. Des émeutes ont suivi et le Gouvernement a dû faire marche arrière.

Puis, il faut augmenter le revenu de la population rurale en augmentant les surfaces cultivables. En effet, tous reconnaissent que le potentiel agricole du Mali est énorme et sous exploité. Il souligne aussi l’importance des petits projets pour les femmes, comme ceux pour le Karité. Enfin, il veut augmenter l’industrialisation du pays afin de créer de la valeur ajouté aux exportations qui sont pour le moment essentiellement des ressources naturelles (mines) et agricoles non transformées (coton).

Selon lui, la démocratie est en santé au Mali car elle est basée sur le dialogue entre ses forces vives et il a confiance pour l’avenir de son pays. Ses attentes face à l’occident sont de l’aide à la bonne gouvernance, de l’appui pour les infrastructures scolaires et pour le développement économiques et de l’aide pour sécuriser le nord du pays qui comme nous l’avons vu récemment pose problème. Il profite de l’occasion pour remercier les Canadiens pour leur aide et souligne notre particularité qui est de responsabiliser les Maliens en leur confiant une bonne part de la gestion des programmes que nous finançons contrairement à d’autres donateurs.

Cette rencontre sympathique a eu lieu à l’Hôtel Kamadjan de Siby, propriété de M. Keïta, où je résidais pendant mon séjour.

A venir : mes commentaires personnels
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13 oct. 2009

Crise de palu

Pour de nombreuses personnes qui vivent 6 mois par année dans la pluie, la neige et le froid glacial la vie dans un pays chaud semble paradisiaque. Il n’en est rien. La chaleur est une source de vie pour toute une panoplie d’agresseurs contre lesquels il faut lutter continuellement. À commencer par la chaleur elle-même. Ici, elle est tenace et persistante et fait à peine relâche la nuit. Depuis que je suis arrivé, le thermomètre s’obstine et reste coincé entre 30 et 38 degrés le jour. Et on ne parle pas de facteur humidex même avec si le taux d’humidité est appréciable en raison de la saison des pluies qui ne veut pas finir. Le soleil cogne sans pitié, l’Équateur n'est pas loin vers le sud.

Pour se rafraichir, il ne manque pas d’eau. Mais évidemment, on ne peut la boire car vos tripes risquent de se transformer en boyau d’arrosage. Pire, on ne peut même pas se baigner dans les fleuves, lacs et rivières. Pas à cause des grosses bêtes qu’on peut y croiser, genre hippopotames, caïmans ou serpents mortels, mais plutôt à cause de petites bestioles qui viennent s’enfouir dans votre corps et établir domicile sous votre peau. Mais tous ces désagréments ne sont finalement que des inconvénients mineurs comparés au GROS problème du coin: les moustiques. Pas qu’ils soient si nombreux, n’importe quel habitué du nord canadien en serait mort de rire. Non, mais s’il y en a un seul qui vous pique, il peut vous injecter la malaria appelée aussi paludisme.

La malaria tue. Et ce ne sont pas que des cas isolés comme ceux que peuvent causer les ours au Canada. Ici, la malaria tue encore plus que le Sida. Selon l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé), en Afrique seulement elle cause environ 2 millions de morts par année. Et la malaria ne fait que tuer, elle rend malade. Au Mali, plus de 25% de toutes les consultations médicales sont liées à des crises de palu. Bien sur, il existe des médicaments qui permettent aux riches voyageurs de se protéger. Le plus récent, la Malarone est efficace et a peu d’effets secondaires, mais c’est cher, très cher : 200$ par mois. Il y a le Lariam, moins cher, mais qui peut causer des effets secondaires importants genre psychiatriques ou neurologiques. D’autres médicaments existent, mais des souches de malaria y sont devenues résistantes.

Vendredi passé, j’ai eu un choc, car je croyais que le fait de prendre un antipaludisme me protégeait à 100%. Or, Julie, une coopérante québécoise que je connais et qui prenait religieusement sa Malarone, a fait une crise de palu. Une bonne : 42 degrés de température. Elle a dû passer plusieurs jours à l’hôpital branchée sur des antibiotiques et des antipaludiques. Elle n'a pas encore réussi à savoir avec certitude quelles seront les conséquences à long terme de cette crise. Il y a quelques années, une coopérante d’Oxfam-Québec au Burkina Faso a eu moins de chance, elle en est morte. Samedi, un agent de bord d’Air France m’a raconté qu’une collègue en est décédée l’an passé. Beaucoup de gens ici en sont affectés et feront des crises de façon régulière. Ils sont alors cloués au lit pendant plusieurs jours.

Pour éviter la propagation, en plus de la médication, il faut utiliser des crèmes insecticides et des filets moustiquaires la nuit. La lutte contre le paludisme progresse et les nouveaux médicaments sont plus efficaces. Mais il reste beaucoup à faire. Il est fort à parier que si les pays occidentaux étaient affectés chez eux par ce fléau, le problème serait déjà réglé.
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9 oct. 2009

Le karité nous appelle

Les vertus thérapeutiques du Karité sont de plus en plus reconnues et ce partout dans le monde. Le potentiel économique de la mise en valeur de cette ressource pour le développement rural de la région la plus pauvre du monde est évident. Le karité, arbre phare du berceau de l’humanité, nous appelle.

L’arbre à Karité est omni présent ici. Il pousse naturellement et couvre toute la région de la savane située entre celle du Sahel, plus désertique, à celle des forêts équatoriales, plus au sud. Il est présent dans les nombreuses zones sauvages mais également sur les terres cultivées. Comme ici l’agriculture n’est pas mécanisée, pratiquement tout se fait à la pioche, ils ne font pas obstacles. Mieux, ils procurent de l’ombre car le soleil est de plomb.

Le beurre de karité est également omniprésent dans la vie de tout Africain de l’Ouest. Bébé, il sera beurré abondamment pour être protégé du froid et autres agresseurs. Puis tout au long de la vie, on s’en induira le corps pour soigner les rhumes, cicatriser les plaies, soulager les démangeaisons ou quoi encore. On s’en sert également comme gras de cuisson et on l’utilisait auparavant comme huile à lampe. Il est également partie intégrante de rituels animistes, encore bien vivants malgré l’omniprésence de l’Islam qui est souvent un mince vernis sur des croyances ancestrales bien enracinées.

Du début à la fin, tout ce qui concerne le ramassage et la transformation du karité est une affaire de femmes. Comme nous l’avons vu dans le texte sur le code de la famille, en milieu rural elles doivent assumer 80% des dépenses de la famille. Pour plusieurs d’entre elles, le revenu généré par le Karité représentera plus de 50% de leur revenu annuel.

Le beurre de Karité est extrait de l’amande du fruit par un long et fastidieux processus. Tout d’abord le fruit qui contient la noix dans laquelle on retrouve l’amande, n’est pas cueilli mais plutôt ramassé au sol. Le fruit est alors bien mur, mais le ramassage doit se faire rapidement, 2 ou 3 jours au plus après la chute du fruit et ce avant le début de la germination.

Par après, le fruit devra être dépulpé, comme le café, et la noix séchée. Puis les noix seront bouillies afin de stopper le processus de germination. Puis séchés de nouveau. Cette étape représente une difficulté majeure à laquelle sont confrontées les productrices. Le fruit arrive à maturité en pleine saison des pluies, appelé ici l’hivernage. Le séchage peut prendre entre 6 et 20 jours et parfois les femmes ne disposent pas de surface suffisante pour étendre leurs noix. Pendant ce temps, elles doivent les protéger au moment des averses. Ce n’est pas évident, car elles ont de multiples autres responsabilités. Une fois bien séchées, les noix peuvent se conserver pendant plus d’un an si les conditions d’entreposage sont bonnes, c'est-à-dire dans un endroit sec et aéré.

Traditionnellement, lorsque la femme a besoin d’argent, elle ira retirer quelques noix pour les transformer en beurre qu’elle ira vendre par après au marché local. C’est une tâche considérable. La première étape consiste à retirer l’amande de la noix en les écrasant avec un mortier. Puis, elles en retirent les écailles. Ensuite, elles trient les amandes afin d’éliminer celles qui sont pourries, moisies ou racornies. Celles qui seront retenues seront lavées puis séchées. Après, elles seront concassées au mortier puis torréfiées dans une poêle sur un feu de bois. Puis le tout sera moulu au moulin du village et la poudre qui va en résulter devra être refroidie avant l’étape cruciale : le barattage. C’est l’étape magique qui fera que cette poudre foncée que l’on mélangera avec de l’eau se coagulera en un beurre beaucoup plus pâle après une trentaine de minute d’un brassage vigoureux et spectaculaire (voir la vidéo).

Ce beurre qui flottera sur les résidus sera ensuite lavé et rincé plusieurs fois. Finalement, c’est la cuisson qui débarrassera le beurre des derniers résidus et éliminera les dernières traces d’eau. Cette bouillie sera refroidie et une huile flottera sur les résidus. On la retirera et on la filtrera. Une fois refroidi, elle va se figer et on obtient finalement un beau beurre onctueux couleur crème.
Tout ce processus peut se faire en une journée. Mais comme les femmes ont de multiples tâches qu’elles peuvent difficilement déléguées, il leur faudra en général 2 jours. Une femme pourra alors produire 10 kg de beurre qu’elle vendra autour de 400 FCFA le Kilo (un peu moins d’un $). Elle devra assumer des frais (bois de chauffe, eau, mouture) d’environ 200 FCFA. Donc, elle obtiendra un revenu net d’environ 3,800 FCFA (9 $). Si elle avait vendu tels quels les 33 kg de noix nécessaires à cette production, elle aurait alors eu un revenu de 2640 FCFA (6$). La plus value de ce travail sera d’environ 3 $. C’est modeste, mais n’oublions pas que la majorité de la population vit ici avec moins de 1,25$ par jour et qu’il y a peu d’alternatives.

On comprendra alors tout l’intérêt de valoriser cette ressource pleine de potentiel et qui procure des revenus à plus de 3 millions de femmes au Mali seulement. C’est ainsi que sont nées les Coopératives de productrices.
À suivre….
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6 oct. 2009

Le code de la famille

J’ai habité pendant plusieurs années au cœur de la Petite Italie de Montréal. Mes voisins, des italiens originaires du Sud profond, vivaient encore selon un code de la famille assez différent du mien, un québécois ayant grandi dans la période post révolution tranquille. En ce qui concerne l’écart culturel, je n’avais encore rien vu.

Ici, l’individu n’est rien. De la naissance à la mort, il fait partie intégrante d’une famille et son autonomie est soumise aux us et coutumes qui la régissent. La hiérarchie est immuable. Au sommet le père de famille, puis sa ou ses femmes et ensuite les enfants qui devront respecter non seulement les avis de leurs parents et ce jusqu’à la mort, mais également ceux de leurs frères et sœurs ainés.

Le mariage est obligatoire ici. Non seulement le concubinage est très mal vu, mais c’est impossible pour une femme de quitter le giron familial avec un statut de célibataire. C’est encore vrai aujourd’hui à Bamako pour les jeunes femmes instruites et occupant un bon emploi.

Quand vient le temps de passer aux noces, plusieurs options sont offertes. Il y a tout d’abord le mariage religieux, fortement déconseillé aux femmes car les règles de la religion musulmane permettent à l’homme de renier sa femme en tout temps et sans aucune raison et ainsi l’abandonner à son sort avec ses jeunes enfants. Donc, il vaut mieux passer à l’hôtel de ville ou deux options vous seront offertes. Tout d’abord le mariage monogame. Messieurs, il faut faire attention car si vous choisissez cette option, vous ne pourrez revenir sur votre décision. Par contre, le mariage polygame permet de n’avoir qu’une seule femme. Ce que feront la majorité des gens instruits en ville mais qui constitue une infime minorité de la population du Mali (10% ?). Donc la majorité des mariages seront polygame et le mari aura en général entre 2 et 4 femmes. L'Islam permet à l'homme d'avoir jusqu'à 4 femmes. Avant, c'était 10!

Par contre, il devra faire la démonstration qu’il peut nourrir toutes ses femmes, ce qui fait que plusieurs hommes restent célibataires. On s’en doutait, les règles mathématiques étant incontournables. Par contre, la femme devra assumer la majorité des dépenses de la famille. À la campagne, on parle de 80 %. C’est elle qui devra nourrir, habiller, soigner et couvrir les frais pour l’éducation. Et ce, en plus de s’occuper du foyer, des repas, de l’eau, du bois que le mari ne touchera jamais. Jamais. Pas surprenant qu’on voit les femmes continuellement en activités. Ce qui est loin d’être le cas pour les hommes. Ceux-ci ont la responsabilité de la culture des céréales et du coton. Ce qui les tiendra occupés de Juin à septembre. Après, c’est trop sec.

La famille nucléaire aura également la responsabilité d’assumer le rôle de filet social auprès de la famille élargie. Rôle que l’état n’a pas ici les moyens d’exercer. Donc, grands-parents, frères, sœurs, beaux-frères, belles-sœurs, neveux, nièces viendront cogner à la porte en cas de besoin. Ce qui va invariablement arriver si vous avez un revenu, aussi misérable soit-il. Et il est totalement hors de question de refuser. Impensable. La seule solution d’échapper à ces règles, c’est de fuir loin, très loin. Même encore là, les fonds provenant des Maliens à l’étranger sont le poumon qui permet au pays de survivre. Beaucoup plus que l’aide étrangère.

Si ces règles familiales nous semblent lourdes, et les Maliens eux-mêmes le reconnaissent, elles permettent à la population de ce pays d’avoir une cohésion et de fonctionner. Pas surprenant que l’on puisse alors se promener à Bamako sans crainte de se faire agresser. Pas surprenant aussi que la proposition du Gouvernement de faire un nouveau code de la famille prévoyant l’égalité entre l’homme et la femme n’avait aucune chance de passer. Aucune.
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5 oct. 2009

Le palmares de l'indice du développement humain 2007 vient d'être publié

Les premiers:
1. Norvège
2.-Australie
3.- Islande
4.- Canada

Les derniers:
177: Burkina Faso
178: Mali
179: Centrafrique
180: Sierra Leone
181: Afganistan
182:Niger

Fin de semaine à Siby

J’avais un rendez-vous le vendredi à Siby. C’est une petite ville, en fait un village, située à 45 kilomètres de Bamako et qui est une halte touristique reconnue. Tout près, il y a les monts Mandingue et quelques trucs à voir. Il y a une infrastructure touristique minimaliste. C’est aussi l’endroit où est situé la Coop de Karité d’où j’importais les savons. Je vous reviendrai plus tard sur la visite de travail.

Le départ de Bamako est pénible. La route traverse un marché bondé où l’on doit slalomer entre les nids de poule, pour ne pas dire les nids d’autruche. Par contre, à la sortie de la ville une surprise : une route flambant neuve. Elle a été construite par la Tunisie. On se croirait en France : même signalisation, même marquage et il a même les bornes kilométriques. Peu achalandée, c’est la route de la Guinée qui vient de subir un carnage auquel les dirigeants Africains nous ont malheureusement habitués.

Cette route borde la falaise qui délimite le plateau sahélien de la plaine du Niger. À mesure que l’on avance, les falaises sont de plus en plus jolies et sculptées par le temps. Nous arrivons rapidement à Siby. Première surprise, les poteaux électriques sont nus. Le filage n’est pas encore rendu. Il en est encore loin, en banlieue de Bamako. Je vais dormir dans un campement composé de huttes de format traditionnel auquel on a ajouté certaines commodités: la douche, la toilette et deux néons alimentés par batteries. Le toit de chaume s’avèrera bien pratique. Tout à fait imperméable, il agit aussi comme isolant, contrairement à la taule qui recouvre les bâtiments récents et qui sont un véritable four.

Après la visite de la maison du karité, nous profitons du 4 X 4 indispensable pour aller voir les deux principales attractions du coin : une arche naturelle qui s’élève au dessus du village et une chute situé à 17 km de route de brousse. Les deux valent le déplacement. Mes compagnons de voyage ont des discussions biens animées et semblent bien s’amuser… en bambara.Je suis accueilli comme un roi par Fatim, l’animatrice de la Coop, et Lalaissa, l’agente commerciale, que j’ai reçues à Montréal. Ici ça ne s’oublie pas. J’aurai droit à mon premier repas africain. Préparé par elles et dans des conditions minimales, c'est-à-dire que le matériel est au sol, elles étant assises sur de petits bancs très bas, comme ceux que l’on utilisait chez nous pour traire les vaches. Le tout se fait avec un grand souci d’hygiène. Tout est cuit sur deux petits poêles au charbon de bois également posés au sol. Au menu, pintade en sauce, patates et plantains frits dans le beurre de karité. Le tout est servi dans un grand bol que l’on pose sur une table basse et l’on mange avec les mains que l’on aura préalablement lavées bien en vue de tous. On doit se battre avec la pintade qui est coriace mais savoureuse. Tout comme le poulet local que l’on appelle le poulet bicyclette en opposition au poulet de chair, semblable à celui dont on est habitué en occident. Les patates et le plantain frits ont un petit arrière goût de karité, mais ce n’est pas désagréable. Je suis chanceux, il n’y a pas de riz au menu et qui est beaucoup plus compliqué à manger à la main. Le tout est sans boisson, on est en pays musulman. La noirceur raccourci la soirée.

Le lendemain tôt, je vais rouler en vélo sur ce beau bitume. Au départ, une crevaison. Une dizaine de jeunes gamins viennent observer. Bien que plusieurs soient d’âge d’aller à l’école, leur français se limite à peu de chose. De retour sur la route, je croise ceux qui se rendent au marché hebdomadaire de Siby. Des bus et des camions dont le toit est recouvert d’une montagne de poches, de colis et d’autres articles sur lesquels sont agrippés quelques courageux. Assez spectaculaire et imprudent. Quelques motos, des vélos bien chargés et aussi des femmes à pied avec d’énormes charges sur la tête avec souvent un bébé dans le dos et un plus grand à la main. Tous me saluent. Au Mali, les paysages sont parfois monotones mais la route, qu’elle soit de bitume ou de terre, est une source intarissable de vie et de rencontres. Ici, le paysage est spectaculaire. Mais la chaleur devient de plus en plus écrasante et je dois rapidement rebrousser chemin pour aller me réfugier sous la douche.
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1 oct. 2009

SMOG à Bamako: au secours!

Je suis enfermé dans ma chambre d’hôtel et je n’ose pas mettre le nez dehors. Mon système respiratoire est en train de capituler face au smog urbain de Bamako. D’abord des piquements de nez et de gorge, puis des écoulements abondants et finalement des quintes de toux. Je dois me rendre à l’évidence, mon système n’en peut plus. Je n’ai même pas fait de vélo en ville, quelques marches c’est tout. Mais c’était déjà trop. Je me demandais pourquoi tant de motocyclistes portent le mouchoir au visage. J’ai la réponse.

Il y a les hordes de motos. Puis, les véhicules personnels, les taxis qui tombent en ruine et les minibus que l’on voit régulièrement en panne sur le bord du chemin. Tous roulent au diésel. Le vrai, le vieux, celui qui pue et boucane et dont on n’a même pas enlevé le plomb. Puis, il y a tous ces petites gens qui se débattent pour leur survie en tenant des petits bouibouis et offrent thé, brochettes, maïs grillés ou fritures le tout sur feu de charbon de bois.

Au Québec, on estime que les vieux véhicules d’avant 1995, 10 % du parc, émettent 50% de la pollution. Chacun d’eux émet 17 fois plus d’émission qu’un véhicule neuf. Or, ici les véhicules d’avant 1995 doivent composer 90% du parc automobile et ils sont diésel en plus. L'Afrique est la cour à scrap de l'Europe. Les vieux taxis au bout du rouleau y sont expédiés ainsi que les véhicukes privés.

J’ai fait des recherches pour connaitre les statistiques sur la qualité de l’air à Bamako. Tout ce que j’ai trouvé, c’est un article qui fait le constat que l’on ne possède aucun instrument pour mesurer ce fléau. En plus, Bamako est entouré de collines, il y a peu de vent pour dissiper cette soupe.

Et les chinois construisent échangeurs et ponts pour mieux circuler. Au secours Bombardier, on veut des tramways!
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