24 août 2010

La création du Comptoir international de commerce éthique de Montréal

Après plusieurs mois de travail, le Comptoir international de commerce éthique de Montréal International Sustainable Trading Post a vu le jour. Cet organisme sans but lucratif a obtenu sa charte fédérale au mois d’Août.
Les objets de la corporation sont :
Faire la promotion et le développement du karité et d’autres produits de coopératives dans le but de créer des retombées positives pour les productrices, les communautés, l'environnement et l'économie des pays producteurs de l'Afrique Ouest par :
1. la promotion des produits et de leurs bienfaits auprès des entreprises et du public en général dans les marchés mondiaux;
2. monter un centre d'excellence: (i) de stimuler la recherche scientifique afin de valoriser les produits et d’améliorer leur qualité; (ii) d'accumuler de documentations sur les produits; et (iii) d'offrir un service de veille stratégique;
3. établir des partenariats afin de stimuler la transformation dans les pays producteurs; et
4. agir comme intermédiaire pour la vente des produits et réinvestir la plus value pour soutenir les activités de la corporation.

Par contre, les organismes qui s’étaient montrés intéressés à financer nos activités se laissent désirer. Notre initiative répond à un réel besoin pour le développement des coopératives du Sud et correspond aux nouvelles tendances de développement international. Toutefois, comme tout projet novateur, les sources de financement prennent du temps à s’ajuster aux nouvelles tendances et il faut être patient et persévérant.

Je vais con continuer de m'impliquer comme administrateur bénévole de la nouvelle corporation et comme conseiller. À partir du 1er novembre 2010, je vais occuper le poste de Directeur de ventes et du développement des affaires à CIBL Radio-Montréal. Un radiodifuseur indépendant et à but non-lucratif.

Je profite de l’occasion pour remercier tous ceux qui ont suivi cette aventure et je vous ferai part des développements.

Daniel Berthiaume
Danielberthiaume@gmail.com

26 mars 2010

Le projet de commercialisation du karité : un départ ?

Je suis allé à Bamako pour participer à un sommet international sur le karité. Eh oui, ça existe ! Roch Harvey du CECI m’accompagnait. En plus de se mettre à la fine pointe des derniers développements dans le domaine, nous voulions rencontrer les représentants des coopératives que le CECI appui et des représentants de l’ONUDI. Le tout a été un succès.

Tout d’abord, nous avons eu une rencontre avec les représentants des Coops. Trois pays étaient représentés : Le Mali, le Burkina Faso et la Guinée. Malheureusement, ceux du Niger n’ont pu se déplacer. Nous leur avons exposé l’idée de se regrouper pour mettre sur pied une agence de commercialisation du karité à Montréal. Tous ont reconnu que cette initiative répond à un grand besoin et qu’ils étaient prêts à y participer. Un groupe de travail a été formé et nous entreprendrons cette démarche sans frontière grâce à l’internet.

Immédiatement après, Roch, Souleymane Traore - le responsable du dossier karité au Mali-, Binta Bocoum-la directrice du Projet karité du Mali- et moi-même avons rencontré l’équipe de l’ONUDI (Organisation des Nations Unies pour le développement industriel dont, curieusement, le Canada n’est pas membre). Après leur avoir présenté notre projet et répondu à nos questions, ils ont annoncé qu’ils sont intéressés à le financer et nous ont invités à leur présenter une proposition.
Un autre sujet était à l’ordre du jour, c’était la création d’une co-entreprise unique d’une coopérative du Projet karité d’une part, et, d’autre part, d’une entreprise française, Chimitex, fabriquant de savon de Marseille. Le dirigeant, Gilbert Latour, était présent. La coopérative va préparer une base de savon de karité qui sera expédiée à Marseille. De l’huile d’olive y sera ajoutée. On aura ainsi un savon 100% naturel composé moitié-moitié d’huile d’olive et de karité. Une combinaison gagnante qui risque de faire un malheur. Nous avons exploré avec monsieur Latour diverses hypothèses de collaboration avec la future entité commerciale et je me rendrai à Marseille la semaine prochaine pour en discuter avec lui.

Nous avons aussi rencontré d’autres partenaires éventuels qui ont montré de l’intérêt. Plusieurs reconnaissent que l’aide internationale a beaucoup investi dans la production, mais peu est fait pour la commercialisation. Bref, maintenant il faut préparer un plan d’affaires, car l’intérêt y est. Il y a loin de la coupe aux lèvres, mais disons que quelques effluves commencent à monter au nez.
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25 mars 2010

Le karité : ruée vers l’or ou ruée vers l’horreur ?

On dit souvent que le karité est l’or blanc des Africaines. La mise en valeur de cette ressource est peut-être en train de tourner en un Klondike du XXle siècle : quelques gagnantes pour beaucoup de perdantes. Explications :

Il y a quelques années, on a découvert les vertus thérapeutiques du beurre de karité une plante traditionnelle dont la consommation était jusqu’à récemment locale et folklorique. Le CECI encourage alors les femmes des villages à se regrouper et produire un beurre amélioré destiné aux marchés urbains ou à l’exportation. Ce produit remporte un certain succès et le modèle est reproduit avec l’aide d’une myriade d’ONG.

Le Mali est en quelque sorte le colosse du karité qui dort. Le karité qu’on y produit a encore aujourd’hui une mauvaise réputation pour sa qualité, mais tous s’entendent sur son potentiel : le Mali dispose de plus de 20 % des réserves mondiales d’arbres à karité. Or, le monstre est en train de se réveiller. Il faut savoir qu’au Mali, il y a environ 2 millions de cultivateurs et qu’en moyenne chacun d’eux a deux (oui 2) femmes. Ce n’est pas moi qui le dis, mais le Premier-Ministre du Mali lui-même lors d’une convention internationale sur le karité qui vient de se terminer à Bamako et à laquelle j’ai assisté. On en déduit alors qu’au Mali, 4 millions de femmes se livrent à l’activité traditionnelle de la cueillette et de la transformation du karité. Conseillées par des ONG de divers pays, dont le CECI de Montréal, pour lequel je collabore actuellement, chaque année un nombre sans cesse croissant de femmes du Mali se regroupent en coopératives. Elles produisent de plus en plus de beurre d’une qualité en nette amélioration.

Si les pionnières et celles situées en proximité de Bamako réussissent à vendre leurs produits, pour les autres, c’est pas mal plus compliqué. En fait, pour celles isolées, le karité s’empile sans aucun débouché. Des dizaines de tonnes de karité sont en train de se perdre dans des entrepôts chauffés par le soleil. Pour bien comprendre ce qui se passe, il faut procéder à une analyse du marché du karité qui est en fait composé de trois segments bien distincts.

Le premier segment du marché est celui de ce que l’on appelle celui du karité traditionnel. On estime qu’environ 50 % du karité est actuellement transformé selon ce mode. Il est fait artisanalement depuis toujours dans les villages. C’est important de connaître ce processus, car il aura des implications importantes pour la suite de notre histoire. Les amandes sont récoltées à la fin de la période des pluies au moment des grandes récoltes de mil et des autres céréales à la base du régime alimentaire de la région. Il faut savoir qu’ici il pleut de juin à octobre et que le reste de l’année c’est sec, très sec. Cette récolte de céréales est donc vitale. Certaines années, la saison des pluies n’a pas lieu et la famine menace les populations locales encore rurales à plus de 80 %. C’est ce qui arrive en ce moment au Niger où le bouton de panique est enfoncé. Des enfants commencent à mourir de malnutrition et une opération de sécurité alimentaire à grande échelle est en marche.

Revenons à nos productrices de karité au moment de la récolte des céréales. Débordées de travail pour assurer la base alimentaire de la famille, elles doivent récolter, en fait ramasser au sol, les fruits murs de l’arbre à karité. Pour bien mettre en valeur les amandes le fruit doit être décortiqués et les noix bien séchées au soleil. C’est une opération sans problème tout au long de l’année sauf justement à cette période ou les averses sont encore fréquentes. Les amandes seront conservées, pas toujours dans de bonnes conditions, pour être transformées en beurre pendant la saison sèche au moment où les autres ressources financières se tarissent.

Le beurre de karité traditionnel est en fait de l’argent en banque. Mais c’est un produit sans aucune valeur à l’exportation, car il a mauvais goût et de mauvaises odeurs et il est disponible en quantité énorme pour un marché local composé des consommateurs ayant un des plus faibles niveaux de vie au monde. La loi de l’offre et de la demande est ici impitoyable et un calcul rapide permet de constater que la transformation des amandes en beurre traditionnel, qui demande un travail pénible et considérable, n’apporte à peu près aucune rémunération autre que celle de la valeur des amandes brutes. Cette saison, les amandes se sont vendues autour de 100 FCFA (.18 $) et le kilo de beurre se vend entre 300 et 400 FCFA. Comme il faut 3 kilos d’amandes pour produire un kilo de beurre et qu’en plus on doit ajouter les frais de bois et d’eau, la seule rémunération liée à tout se travail provient du fait que la rentrée d’argent aura lieu à un moment ou aucune autre alternative n’est disponible. Dans ce coin du monde où la survie est précaire, cette entrée d’argent à ce moment précis est parfois une question de vie ou de mort. C’est ainsi qu’encore 50 % des amandes de l’immense parc à karité de l’Afrique de l’Ouest seront transformées.

Le deuxième segment du marché est celui des amandes vendues à l’état brut et destinées à être transformées industriellement en une huile pour l’alimentation. C’est également un marché énorme, 45 % des amandes y seront destinées. En fait cette huile est-ce que l’on appelle un CBE, Cacao Butter Equivalent. Un peu partout dans le monde, sauf en Amérique du Nord, on autorise à ce qu’une portion de ce que l’on appelle chocolat soit composée d’autre chose que le cacao, des CBE. En Europe, de loin le premier marché mondial, c’est 5 %. La principale raison est économique. Donc le prix fixé pour le karité sera obligatoirement plus bas que celui du cacao qui va lui fluctuer selon les aléas de la situation économique mondiale, le chocolat étant un bien de luxe et sensible aux récessions, des conditions climatiques et politiques des principaux pays producteurs. En ce moment, la situation n’est pas très bonne, mais elle devrait s’améliorer. Toutefois, la valeur du karité est faible, car il demeure un substitut bon marché du cacao.

Le troisième segment de marché est celui destiné aux cosmétiques et c’est celui qui offre le plus de potentiel de valeur ajoutée, le karité étant de plus en plus reconnu comme étant un des meilleurs produits naturels pour les soins de la peau. Probablement même le meilleur. Mais ce marché ne compte que pour 5 % de la valeur totale des amandes (donc 10 % des exportations). De plus, il se divise en deux sous segments, celui des produits transformés industriellement (probablement plus de 90 % de ce segment), que l’on appelle raffinés et ceux artisanaux, dit non raffinés. Pour ajouter à la complexité, certains produits artisanaux, comme ceux que l’on retrouve chez l’Occitane ou Body Shop (de loin les deux plus gros utilisateurs), seront produits de façon artisanale puis raffinés industriellement. Ce qu’il faut savoir du karité raffiné, c’est que le processus inclut l’ajout de produits chimiques qui seront retirés par après.

Ici, on peut faire des distinctions entre le marché européen et le marché nord-américain. Le marché européen consomme à peu près exclusivement du beurre raffiné. Celui produit de façon artisanale portera souvent un label ou une mention équitable, car il ne possède aucune valeur supplémentaire intrinsèque par rapport à celui produit industriellement. Au contraire. D'une part, le processus industriel permet des économies d’échelle, mais aussi une plus grande stabilité au niveau de la qualité. La plus value du processus artisanal est en bonne partie détruite par le raffinage industriel.

En ce qui concerne le marché nord-américain, il y a une demande pour le karité naturel et non raffiné. Par contre, l’offre de produits certifiés équitables est encore embryonnaire. Ce marché est probablement le plus prometteur pour le karité artisanal. Mais sa croissance est à venir et l’exigence de la certification biologique y est beaucoup plus présente et elle est beaucoup plus difficile à obtenir que celles de L’équitable.

Après avoir fait une analyse de la demande du karité, revenons à nos productrices, c’est-à-dire à l’offre. La création d’une multitude de coopératives produisant un karité que l’on dit amélioré équivaut en fait à transférer une partie de l’offre des énormes marchés des amandes et du beurre traditionnel vers un tout petit segment qui se retrouve actuellement engorgé. De plus, le marché des cosmétiques demeure difficile. D’une part, en Europe, on préfère les produits raffinés et les produits artisanaux sont confinés à une étroite niche. En Amérique du Nord, les exigences de qualité demeurent et seuls les produits de première qualité y auront accès. Les productrices doivent démontrer qu’elles peuvent produire de façon stable des lots de beurre de première qualité. Ce qui est loin d’être le cas en ce moment.
D’une part, il est loin d’être évident que toutes les coopératives pourront atteindre ce niveau de qualité et si elles y arrivaient, le marché ne serait pas en mesure d’absorber toute cette production avant plusieurs années. On a fait miroiter beaucoup d’espoir à ses pauvres femmes et on les a formés en plus de les entrainer dans la création de coopératives, une structure complètement étrangère à leur culture. Il apparait évident que les promesses tenues ne pourront pas se réaliser. Et n’oublions pas que nous ne sommes pas à l’abri de l’apparition d’un autre produit miracle sorti du fonds de l’Amazonie ou autre coin perdu et pouvant être exploité beaucoup plus rapidement que le karité. La stratégie actuelle des ONG et qui vise à reproduire à l’infini le modèle des quelques coopératives de karité qui ont réussi doit être sérieusement repensé et des ajustements doivent être apportés, et ce, rapidement.

Lors de la rencontre du karité à Bamako où les principaux joueurs mondiaux étaient réunis, j’ai eu l’occasion de rencontrer l’acheteur de Body Shop une entreprise de taille qui a une approche équitable. Il m’a scandalisé en me disant que les coopératives devraient délaisser la production de beurre pour se concentrer sur la vente d’amandes de qualité. Il n’avait peut-être pas tout à fait tort. Une chose est certaine, la pertinence d’une entreprise vouée à la commercialisation du beurre de karité produit par les coopératives est non seulement une nécessité, mais une urgence.

24 mars 2010

Le retour à Bamako

Je dois l’avouer : j’appréhendais ce retour à Bamako. La ville a acquis une aura mythique grâce à tous ses musiciens et ses chanteurs qui nous remplissent la tête d’images suaves. Mais la réalité de la vie à Bamako est difficile. La chaleur, la pollution, la poussière, la surpopulation de ce qui était au départ une petite ville coloniale charmante fait en sorte que la vie de tous les jours est une épreuve et qui laisse peu de place à l’oisiveté.

L’arrivée à l’aéroport de Bamako donne le ton. Surtout si comme moi vous arrivez par le vol d’Air France, qui est le véritable poumon de cette ville située au bout du monde et à une éternité du premier port. Le vol, toujours complet, éjecte une quantité de passagers que l’aérogare n’est pas en mesure d’absorber. Même la sortie de l’avion est pénible. On arrive après un assez long vol, 5 heures. Les portes prennent une éternité à s'ouvrir, car on est encore à l’époque de l’escalier à roulettes. Lorsqu’elle s'entrouvre, on a l’impression que c’est celle d’une sécheuse et un air torride vient nous caresser le visage. La sortie est pénible, car tous les passagers sont chargés à bloc que ce soit dans la soute ou dans la cabine. Le personnel d’Air France semble avoir renoncé à tout contrôle pour limiter les abus.

Donc, on finit par franchir le seuil de l’avion en espérant pouvoir enfin se délier les jambes. Déception, un autobus nous attend pour faire les 50 mètres qui nous mènent à l’aérogare. Faut bien faire moderne ! Mais, avant qu’il ne démarre, on doit être bien tassés pour faire le saut de puce.

Puis c’est l’entrée dans l’aérogare où règne une cohue indescriptible. Le parcours vers la sotie finale sera ponctué de plusieurs obstacles. Le premier est le contrôle du carnet de vaccination. Cette fois-ci j’échappe à la sélection aléatoire des voyageurs qui devront montrer patte blanche. Ensuite c’est la longue file pour le contrôle du passeport, du visa et de la fiche de contrôle que l’on doit compléter. Comme tout bon fonctionnaire africain, le douanier prend bien son temps et scrute avec attention cette volumineuse documentation. Malgré son air bête, il transpire la joie qu’il a de nous faire sentir qu’il a le bon bout du bâton et que nous devons lui porter un respect total sous peine d’embrouilles infinies.

Puis c’est la récupération des bagages. Ils arrivent au compte-goutte ce qui laisse le temps à tous les passagers de cet immense paquebot des airs de venir s’agglutiner, s’empiler autour de la minuscule courroie. Les ventilateurs nous renvoient la chaleur intense qui monte. Les inévitables porteurs qui monopolisent les quelques chariots disponibles on prit les meilleures places. Nous attendons, attendons. Finalement, une des collègues avec qui je voyage doit se rendre à l’évidence. Elle doit aller au bureau des réclamations.
Même si nous avons attendu jusqu’au dernier bagage, l’épreuve n’est pas terminée pour autant : il reste à passer toutes les valises le seul tunnel disponible. Je vous rappelle que tous les voyageurs sont chargés à bloc et que nous avons été contrôlés au départ. Il semble que cette étape ait pour but de débusquer les gens qui cherchent à introduire des marchandises destinées à la revente, genre six ordinateurs portables. Ce pays, où la majorité des gens vivent dans la pauvreté totale et qui ne paie aucun impôt, est assoiffé de sources de revenus et l’importation est une source intarissable. Finalement, on finit par sortir de l’aérogare où l’on est accueilli par une horde de vendeurs de cartes de téléphone, de chauffeurs de taxi, d’agent de change au noir et d’une cohorte d’handicapés. Bienvenue en Afrique !
Toutefois, c’est avec bonheur que le lendemain je marche dans la ville pour me rendre à la conférence qui a lieu à l’hôtel de l’amitié situé tout près du mien. Il ne fait pas si chaud que çà, l’air, pollué certes, est libéré des fines poussières de l’Harmattan, les salutations chaleureuses du personnel de l’hôtel qui m’a reconnu et de celles de parfaits inconnus croisés sur la rue me procurent un moment de pur plaisir. Bien content d’être de retour dans ce monde si étrange qui nous ouvre ses bras.

23 mars 2010

Le marché américain des produits naturels

Ce qui a démarré comme une petite initiative marginale de hippies de la côte ouest dans les années 60 est devenu une grosse affaire. Les multinationales et les grands joueurs de l’alimentation et du cosmétique ont flairé l’affaire et rachètent à prix d’or des entreprises qualifiées autrefois de marginales. La raison est simple, c’est une tendance lourde et le taux de croissance de ce secteur est significativement supérieur aux autres et cette situation perdure depuis plusieurs années. Elles veulent se positionner et acquérir l’expertise développée.

Le domaine des cosmétiques ne fait pas exception et c’est un très bon moment pour aller s’y pointer. Les États-Unis sont de loin le plus gros marché de ce que l’on appelle les cosmétiques éthiques, soit 60 % du marché mondial. Les produits éthiques étant les produits naturels, biologiques ou équitables. La raison est simple, au fil des ans il s’y est développé un réseau imposant de commerces de détail et de distributeurs. Les fabricants ont ainsi accès à une énorme masse de consommateurs contrairement à l’Europe où le réseau est beaucoup plus éclaté.
Ma participation à cette rencontre a été un succès d’une part pour les contacts que j’y ai faits, mais surtout par une grande révélation. Le marché nord-américain est beaucoup plus intéressant que celui de l’Europe pour les coopératives productrices de karité, car le karité non raffiné y est en demande contrairement en L' Europe. Ceci demande certaines explications.

Le karité pour cosmétiques est produit selon deux méthodes : industrielle ou traditionnelle. La méthode industrielle consiste à presser à chaud les amandes de karité et filtrer chimiquement par la suite la « boue » qui y est extraite. Par la méthode traditionnelle, on broie les amandes et on les baratte afin de coaguler les particules désirées. Le produit obtenu est donc 100 % naturel. Or, en Europe, Body Shop et l’Occidentale notamment, raffinent chimiquement le beurre naturel afin de lui enlever les odeurs naturelles que certains trouvent désagréable. Le beurre perd ainsi son qualificatif de 100 % et se distingue moins de celui produit de façon industrielle. En Amérique du Nord, les clients le beurre 100 % naturel est recherché et les seuls fournisseurs possibles sont les coopératives. Par contre, celles-ci doivent produire un beurre de première catégorie, car elles ne peuvent compter sur le raffinage pour corriger leurs erreurs.

Voici donc un marché que l’on peut attaquer car il est difficile de faire compétition au beurre industriel sur son terrain, car leurs coûts de production et les coûts de transport y sont beaucoup moins élevés. En effet, les usines sont souvent situées à proximité des ports. Pour les productrices du Mali et du Burkina Faso, envoyer un conteneur au port coûte aussi cher que le trajet maritime jusqu’à Montréal ou Marseille. Comme le veut l’expression : y’en aura pas de facile. Mais il existe une fenêtre où l’on peut se glisser. On va le faire...

22 mars 2010

Une rencontre commerciale aux USA : c’est BIG

C’est la troisième fois que je me retrouve dans une exposition ou une conférence américaine, et ce, dans des champs aussi varié que l’éducation préscolaire, les cafés de spécialités et cette fois-ci, les produits naturels. La taille du marché américain fait en sorte que leurs évènements nationaux deviennent le rendez-vous international inévitable du domaine. Ainsi après quelques jours, on est à la fine pointe du domaine. Ce qui peut paraître une dépense excessive est en fait une grande économie de temps et aussi un incontournable moyen de se créer un réseau de contacts. Cette fois-ci n’a pas fait exception.

En plus, la rencontre a lieu à Anaheim qui est située dans la mégalopole de Los Angeles. On a beau détester cette mégalopole pour son étalement urbain quadrillé d’autoroutes à l’encontre des préoccupations écologiques de notre temps, on doit cependant convenir qu’elle est située dans véritable paradis terrestre. À l’ouest, le Pacifique avec ses vagues idéales pour les surfeurs parfois entourés de dauphins (si, si, j’en ai vu), ses plages de sable blanc pour jouer au volley-ball et se prélasser au doux soleil printanier et ses voies aménagées pour y faire du vélo ou du jogging avant d’aller se pointer au bureau. À l’est, ses sommets enneigés où l’on peut skier et y faire de la randonnée. Entre les deux, une terre fertile potagère de l’Amérique du Nord. Des derricks y pompent nonchalamment du pétrole. Vraiment, ils écœurent !

L’expo, qui a lieu à deux pas du premier Disneyland, est en fait un méga « Manger-santé » (une rencontre annuelle qui a lieu à Montréal). Quand je dis gros, c’est gros : plus de 50,000 personnes y participent. BIG !

L’essentiel de l’exposition est toutefois consacré à l’alimentaire. Mais la section pour les cosmétiques vaut le déplacement. Assez curieusement, celle pour les suppléments alimentaires est aussi grande. Il y en a aussi une, plus petite, pour l’alimentation naturelle de pitou. On vit quand même dans un drôle de monde.

À suivre : le bilan de ma participation et le retour à Bamako

18 mars 2010

Un projet qui avance

J’ai eu quelques rencontres avec des responsables du CECI pour discuter des suites à donner à ma mission en Afrique de l’Ouest. Le projet de commercialisation les intéresse mais ce n’est pas évident de lui trouver une case dans leurs activités. C’est un projet novateur et l’inconvénient d’un projet novateur c’est qu’il n’entre dans aucune casé préétablies de l’ensemble des projets susceptibles de recevoir du financement. Les programmes d’aide internationale financent de projets qui ont essentiellement lieu dans les pays en besoin. Pas dans notre beau pays riche !

Par contre, ce projet de commercialiser le karité à partir de Montréal s’inscrit dans une réflexion que fait le CÉCI sur la coopération internationale de demain. Tout change et évolue, y compris l’aide internationale et comme toute organisation qui veut assurer sa pérénité, le CÉCI doit non seulement s’adapter à un environnement qui évolue, mais aussi l’appréhender et être à l’avant-garde des changements inévitables.

Nous avons donc convenu d’une première étape : l’étude de faisabilité. Elle consistera à faire un portrait du marché des cosmétiques éthiques en Amérique du Nord, de la route du karité en Amérique du Nord et d’identifier les principaux acteurs, e faire une étude de faisabilité financière, voir les exigences légales et règlementaires, et les démarches pour obtenir les accréditations équitables et biologiques.

Pour ce faire, entre autres, je participerai à deux évènements internationaux qui auront lieu en mars. Tout d’abord l’Expo « Natural Products West » qui a lieu à Anaheim. Puis « Global Shea » à Bamako. Ce sera l’occasion d’y retourner…

À suivre donc

27 janv. 2010

Le retour à Montréal : un bilan

Je suis revenu par Royal Air Maroc avec une longue escale à Casablanca. Longue, mais pas assez pour sortir de l’aéroport. Je me suis donc installé dans une cafétéria. Un petit enfant s’est mis à hurler sans fin, au point où ça devenait vraiment irritant. J’ai alors réalisé que pendant les quatre mois que j’ai passé au Mali et au Burkina Faso, je n’avais jamais entendu une pareille scène malgré l’omniprésence de jeunes enfants. Partout, on voit des enfants jeunes et moins jeunes qui s tournent autour de leur mère ou se promènent librement. Ils ont toujours l’air serein. Un rien les fait sourire et ils répondent à toute tentative de communication quand il ne l’initie pas eux-mêmes. En fait, ils sont comme leurs parents.

Après quelques semaines au Canada, je dirais que c’est l’impression la plus forte que je garde de mon séjour là-bas. L’occidental qui met les pieds au Mali ou au Burkina Faso est d’abord frappé par les conditions difficiles de vie pour la grande majorité de la population. Transports bondés, habitations vétustes, petits commerçants précaires, conditions sanitaires minimales. Puis, au fur et à mesure que l’on entre dans la vie quotidienne des gens, on découvre de nouveaux obstacles plus ou moins bien cachés. Partout les gens vivent cette réalité non seulement avec dignité mais avec une certaine sérénité qui surprend. Rarement les gens sont à bout et laissent paraître malheur ou désespoir comme on peut le voir dans plusieurs villages autochtones du Canada, quartiers afro-américains aux Etats-Unis ou banlieues d’immigrés en France.

Ce qui est vraiment dommage, c’est que toute cette énergie est peu canalisée en ressources productrices. En Afrique, les leaders à la Nelson Mandela sont rares. Plus on se rapproche de la tête de l’État, les réseaux d’entraide, qui sont la source de survie pour la famille et le clan, deviennent des vampires qui sucent les ressources du pays. Les dirigeants s’enrichissent outrageusement et la population reste avec les miettes.

Comme occidentaux, nous avons aussi nos responsabilités. Les milliards que l’on déverse en aide internationale ne viennent pas compenser les dommages causés par nos subventions agricoles qui étouffent les paysans de ces pays. N’oublions pas que 80% de la population du Mali et du Burkina Faso vivent en milieu rural. Ils ne peuvent compétitioner nos agriculteurs subventionnés et mécanisés. L’oignon que l’on achète à Bamako vient d’Europe et non du paysan d’à coté. La production de coton, deuxième source de revenus pour ces deux pays, ne peut faire face aux milliards de dollars que reçoivent ceux des États-Unis. Le Canada n’est pas sans reproche. Derrière le discours de la souveraineté alimentaire qu’on tient ici, se cache le fait que nous sommes un des plus importants exportateurs de produits agricoles au monde.

La situation n’est pas désespéré, au contraire. L’Afrique avance. La démocratie prend lentement sa place. La corruption recule lentement, très lentement. Des initiatives sociales et économiques sont prometteuses. Entre autres, j’ai pu observer que le développement des coopératives de productrices de karité a un impact économique et social. Les maigres revenus qu’elles en tirent font la différence pour des gens habitués à vivre avec presque rien. De plus, la prise de pouvoir crée la confiance et certaines femmes ont tenté leur chance avec succès pour occuper des postes politiques.

J’ai eu l’impression de faire quelque chose d’utile et je vais continuer. En effet, j’ai ramené dans mes bagages un projet de commercialisation du karité pour l’industrie cosmétique en occident et qui se fera à partir de Montréal. Plusieurs organisations se sont montrées intéressées à soutenir ce projet. Au cours des prochaines semaines, je vous tiendrai au courant de l’évolution de ce dossier.
Je profite de l’occasion pour vous remercier d’avoir suivi mon périple. À ce jour, plus de 1,000 personnes de 49 pays sont venues faire 2,300 visites sur le blogue.

Une histoire à suivre…

10 janv. 2010

Tourisme au Mali et au Burkina Faso

L’Afrique de l’Ouest n’est pas une destination touristique grand public. C’est loin, c’est cher, il faut subir un mitraillage terrifiant de vaccins et ensuite se soumettre à une médication pour la malaria. Pourtant le coin attire les touristes en quête d’aventures et de chemins hors des sentiers battus. Ma courageuse blonde est venue me rejoindre pour les vacances de Noël afin de visiter ce coin méconnu de notre planète.

Une fois sur place, la première décision à prendre concerne le mode de transport. Il y a deux solutions extrêmes : un 4 X 4 avec chauffeur ou le transport en commun. La première est chère : 100 $ par jour plus l’essence et les frais de repas et d’hébergement du chauffeur. Le second bon marché, mais les autobus sont vétustes, c’est un euphémisme, et bondés. Même en saison froide, il y fait autour de 40 degrés à l’intérieur. Les pannes et les retards font partie de la routine. Nous avons opté pour une combinaison des deux.

Notre premier arrêt fut à Ségou. Une charmante petite ville en bordure du Niger sur lequel nous avons navigué au coucher du soleil. L’Auberge est un hôtel agréable qui dispose d’un joli jardin où l’on mange très bien. Après avoir été soumis à la longue torture du sauna sur quatre roues, nous sommes passés par Djenné, célèbre par sa mosquée construite entièrement en pisé et reconnu comme patrimoine de l’humanité par l’UNESCO. La petite ville est également en pisée et lorsque l’on y marche dans ses rues étroites on a l’impression de se retrouver aux temps bibliques. Un hôtel de charme, Djenné Djenno, est situé à l’entrée de la ville. Construit lui aussi en pisé, c’est un havre de paix agréable où l’on sert des petits déjeuner exceptionnels.

Puis Mopti. C’est un confluent très actif où les nombreuses pinasses qui naviguent sur le Niger s’arrêtent. Une foule bigarré et commerçante s’active nuit et jour sur les digues construites en bonne partie à partir de déchets. On est à des milliers de kilomètres de nos conditions de salubrité. Les vendeurs de souvenirs, de tours de pinasse et les guides pour le Pays Dogon ne laissent aucun répit. Bref, une intense et inoubliable expérience. Pour se réfugier l’hôtel « Y a pas de problème » est là avec sa piscine et sa clientèle de voyageurs en transit pour le Pays Dogon.

Le Pays Dogon est en effet le clou de tout voyage au Mali. Également patrimoine mondial de l’UNESCO, c’est une région exceptionnelle. Une série de plus de 200 villages qui s’égrènent tout au long d’une falaise de 200 à 300 mètres de haut et qui domine la brousse infinie. Jadis, les villages étaient juchés dans la falaise afin de permettre à leurs habitants d’échapper aux divers envahisseurs. Les Dogons vivent maintenant au bas ou au sommet de cette falaise dans de petits villages souvent divisés entre groupes musulmans, chrétiens et animistes. Ils vivent pacifiquement et on su garder leurs riches traditions mystiques. La visite se fait idéalement à pied avec un guide. Nous avons opté pour un parcours de 4 jours. Les distances parcourues sont courtes, une première étape le matin et une seconde en fin d’après-midi. Ceci afin d’éviter la canicule présente même pendant ce qu’ils appellent ici la « saison froide ».
C’est effectivement un parcours unique au monde. Les paysages sont magnifiques, les villages authentiques. On a l’opportunité de déambuler au cœur d’un monde d’un autre âge qui est encore bien vivant. On partage les sentiers avec les femmes qui vont chercher l’eau avec leurs énormes récipients en équilibre sur la tête. On les voit faire leur lavage et piler le mil. Les enfants viennent nous tenir la main. Les vieux nous saluent. Nous avons été très chanceux pour le choix de notre guide, Ali de l’agence Mali-découverte. Celui-ci est une source intarissable d’explications sur ce monde étrange où les mythes et les croyances ancestrales sont encore omniprésents. Il nous permet aussi d’être en contact avec son réseau tentaculaire. Bien qu’il soit un musulman pratiquant, on le sent encore bien habité par sa culture animiste.

Pour la première fois de mon séjour, j’ai l’impression, entre autres en regardant les danses traditionnelles, d’avoir accès aux sources de l’Afrique immortelle. Celle qui vit encore au fonds des Haïtiens ou des Afro-américains. Celle qui, par la danse et la musique, a transformé profondément notre culture occidentale hautaine et figée. Une expérience quasi-mystique.

Après ce parcours mémorable, nous avons finalement choisi de nous diriger vers le Burkina Faso afin d’y visiter sa partie sahélienne qui est sécuritaire contrairement à celle du Mali. Nous avons traversé le pays afin de nous rendre au campement Gandéfabou situé sur une butte de sable qui domine le lit d’une rivière asséchée depuis des mois. La piste qui y mène n’est accessible qu’en 4 X 4 et un guide est indispensable afin de ne pas se perdre. La végétation se fait de plus en plus ténue. Par contre la vie demeure omniprésente. L’être humain s’obstine à survivre dans ces conditions extrêmes. Ici, la clef de son succès a été de confier à divers ruminants le soin de grappiller les rares herbages afin d’emmagasiner les protéines qui accompagnerons à l’occasion le plat de mil quotidien. Peul, Touaregs et autres cohabitent dans leurs habitats distincts. Tous se croisent au marché accompagnés de leurs troupeaux de chameaux, zébus, chèvres, ânes et moutons. Grâce à notre guide, nous entrons en contact avec ce monde qui vit dans une des situations les plus précaires de notre planète. L’hébergement se fait dans une hutte peule toute en paille. L’ameublement y est minimaliste, un lit et une natte au sol, mais contient néanmoins un objet de grand luxe pour les autochtones du coin : un matelas.

À l’aller et au retour, nous logeons au Karité bleu d’Ouagadougou. Un petit hôtel charmant dont la décoration est composée de magnifiques masques et sculptures authentiques que l’on peut acheter.

Ce voyage fait partie de ceux que l’on n’oublie pas. Intense est le mot. Par son dépaysement, les conditions de transport, mais surtout par les contacts avec ces gens si proches et si loin et qui demeurent toujours calmes et sereins. Un petit conseil : il faut y aller quand il fait « froid ». À moins que vous vouliez avoir une petite idée ce qu’est l’enfer !

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