27 janv. 2010

Le retour à Montréal : un bilan

Je suis revenu par Royal Air Maroc avec une longue escale à Casablanca. Longue, mais pas assez pour sortir de l’aéroport. Je me suis donc installé dans une cafétéria. Un petit enfant s’est mis à hurler sans fin, au point où ça devenait vraiment irritant. J’ai alors réalisé que pendant les quatre mois que j’ai passé au Mali et au Burkina Faso, je n’avais jamais entendu une pareille scène malgré l’omniprésence de jeunes enfants. Partout, on voit des enfants jeunes et moins jeunes qui s tournent autour de leur mère ou se promènent librement. Ils ont toujours l’air serein. Un rien les fait sourire et ils répondent à toute tentative de communication quand il ne l’initie pas eux-mêmes. En fait, ils sont comme leurs parents.

Après quelques semaines au Canada, je dirais que c’est l’impression la plus forte que je garde de mon séjour là-bas. L’occidental qui met les pieds au Mali ou au Burkina Faso est d’abord frappé par les conditions difficiles de vie pour la grande majorité de la population. Transports bondés, habitations vétustes, petits commerçants précaires, conditions sanitaires minimales. Puis, au fur et à mesure que l’on entre dans la vie quotidienne des gens, on découvre de nouveaux obstacles plus ou moins bien cachés. Partout les gens vivent cette réalité non seulement avec dignité mais avec une certaine sérénité qui surprend. Rarement les gens sont à bout et laissent paraître malheur ou désespoir comme on peut le voir dans plusieurs villages autochtones du Canada, quartiers afro-américains aux Etats-Unis ou banlieues d’immigrés en France.

Ce qui est vraiment dommage, c’est que toute cette énergie est peu canalisée en ressources productrices. En Afrique, les leaders à la Nelson Mandela sont rares. Plus on se rapproche de la tête de l’État, les réseaux d’entraide, qui sont la source de survie pour la famille et le clan, deviennent des vampires qui sucent les ressources du pays. Les dirigeants s’enrichissent outrageusement et la population reste avec les miettes.

Comme occidentaux, nous avons aussi nos responsabilités. Les milliards que l’on déverse en aide internationale ne viennent pas compenser les dommages causés par nos subventions agricoles qui étouffent les paysans de ces pays. N’oublions pas que 80% de la population du Mali et du Burkina Faso vivent en milieu rural. Ils ne peuvent compétitioner nos agriculteurs subventionnés et mécanisés. L’oignon que l’on achète à Bamako vient d’Europe et non du paysan d’à coté. La production de coton, deuxième source de revenus pour ces deux pays, ne peut faire face aux milliards de dollars que reçoivent ceux des États-Unis. Le Canada n’est pas sans reproche. Derrière le discours de la souveraineté alimentaire qu’on tient ici, se cache le fait que nous sommes un des plus importants exportateurs de produits agricoles au monde.

La situation n’est pas désespéré, au contraire. L’Afrique avance. La démocratie prend lentement sa place. La corruption recule lentement, très lentement. Des initiatives sociales et économiques sont prometteuses. Entre autres, j’ai pu observer que le développement des coopératives de productrices de karité a un impact économique et social. Les maigres revenus qu’elles en tirent font la différence pour des gens habitués à vivre avec presque rien. De plus, la prise de pouvoir crée la confiance et certaines femmes ont tenté leur chance avec succès pour occuper des postes politiques.

J’ai eu l’impression de faire quelque chose d’utile et je vais continuer. En effet, j’ai ramené dans mes bagages un projet de commercialisation du karité pour l’industrie cosmétique en occident et qui se fera à partir de Montréal. Plusieurs organisations se sont montrées intéressées à soutenir ce projet. Au cours des prochaines semaines, je vous tiendrai au courant de l’évolution de ce dossier.
Je profite de l’occasion pour vous remercier d’avoir suivi mon périple. À ce jour, plus de 1,000 personnes de 49 pays sont venues faire 2,300 visites sur le blogue.

Une histoire à suivre…

10 janv. 2010

Tourisme au Mali et au Burkina Faso

L’Afrique de l’Ouest n’est pas une destination touristique grand public. C’est loin, c’est cher, il faut subir un mitraillage terrifiant de vaccins et ensuite se soumettre à une médication pour la malaria. Pourtant le coin attire les touristes en quête d’aventures et de chemins hors des sentiers battus. Ma courageuse blonde est venue me rejoindre pour les vacances de Noël afin de visiter ce coin méconnu de notre planète.

Une fois sur place, la première décision à prendre concerne le mode de transport. Il y a deux solutions extrêmes : un 4 X 4 avec chauffeur ou le transport en commun. La première est chère : 100 $ par jour plus l’essence et les frais de repas et d’hébergement du chauffeur. Le second bon marché, mais les autobus sont vétustes, c’est un euphémisme, et bondés. Même en saison froide, il y fait autour de 40 degrés à l’intérieur. Les pannes et les retards font partie de la routine. Nous avons opté pour une combinaison des deux.

Notre premier arrêt fut à Ségou. Une charmante petite ville en bordure du Niger sur lequel nous avons navigué au coucher du soleil. L’Auberge est un hôtel agréable qui dispose d’un joli jardin où l’on mange très bien. Après avoir été soumis à la longue torture du sauna sur quatre roues, nous sommes passés par Djenné, célèbre par sa mosquée construite entièrement en pisé et reconnu comme patrimoine de l’humanité par l’UNESCO. La petite ville est également en pisée et lorsque l’on y marche dans ses rues étroites on a l’impression de se retrouver aux temps bibliques. Un hôtel de charme, Djenné Djenno, est situé à l’entrée de la ville. Construit lui aussi en pisé, c’est un havre de paix agréable où l’on sert des petits déjeuner exceptionnels.

Puis Mopti. C’est un confluent très actif où les nombreuses pinasses qui naviguent sur le Niger s’arrêtent. Une foule bigarré et commerçante s’active nuit et jour sur les digues construites en bonne partie à partir de déchets. On est à des milliers de kilomètres de nos conditions de salubrité. Les vendeurs de souvenirs, de tours de pinasse et les guides pour le Pays Dogon ne laissent aucun répit. Bref, une intense et inoubliable expérience. Pour se réfugier l’hôtel « Y a pas de problème » est là avec sa piscine et sa clientèle de voyageurs en transit pour le Pays Dogon.

Le Pays Dogon est en effet le clou de tout voyage au Mali. Également patrimoine mondial de l’UNESCO, c’est une région exceptionnelle. Une série de plus de 200 villages qui s’égrènent tout au long d’une falaise de 200 à 300 mètres de haut et qui domine la brousse infinie. Jadis, les villages étaient juchés dans la falaise afin de permettre à leurs habitants d’échapper aux divers envahisseurs. Les Dogons vivent maintenant au bas ou au sommet de cette falaise dans de petits villages souvent divisés entre groupes musulmans, chrétiens et animistes. Ils vivent pacifiquement et on su garder leurs riches traditions mystiques. La visite se fait idéalement à pied avec un guide. Nous avons opté pour un parcours de 4 jours. Les distances parcourues sont courtes, une première étape le matin et une seconde en fin d’après-midi. Ceci afin d’éviter la canicule présente même pendant ce qu’ils appellent ici la « saison froide ».
C’est effectivement un parcours unique au monde. Les paysages sont magnifiques, les villages authentiques. On a l’opportunité de déambuler au cœur d’un monde d’un autre âge qui est encore bien vivant. On partage les sentiers avec les femmes qui vont chercher l’eau avec leurs énormes récipients en équilibre sur la tête. On les voit faire leur lavage et piler le mil. Les enfants viennent nous tenir la main. Les vieux nous saluent. Nous avons été très chanceux pour le choix de notre guide, Ali de l’agence Mali-découverte. Celui-ci est une source intarissable d’explications sur ce monde étrange où les mythes et les croyances ancestrales sont encore omniprésents. Il nous permet aussi d’être en contact avec son réseau tentaculaire. Bien qu’il soit un musulman pratiquant, on le sent encore bien habité par sa culture animiste.

Pour la première fois de mon séjour, j’ai l’impression, entre autres en regardant les danses traditionnelles, d’avoir accès aux sources de l’Afrique immortelle. Celle qui vit encore au fonds des Haïtiens ou des Afro-américains. Celle qui, par la danse et la musique, a transformé profondément notre culture occidentale hautaine et figée. Une expérience quasi-mystique.

Après ce parcours mémorable, nous avons finalement choisi de nous diriger vers le Burkina Faso afin d’y visiter sa partie sahélienne qui est sécuritaire contrairement à celle du Mali. Nous avons traversé le pays afin de nous rendre au campement Gandéfabou situé sur une butte de sable qui domine le lit d’une rivière asséchée depuis des mois. La piste qui y mène n’est accessible qu’en 4 X 4 et un guide est indispensable afin de ne pas se perdre. La végétation se fait de plus en plus ténue. Par contre la vie demeure omniprésente. L’être humain s’obstine à survivre dans ces conditions extrêmes. Ici, la clef de son succès a été de confier à divers ruminants le soin de grappiller les rares herbages afin d’emmagasiner les protéines qui accompagnerons à l’occasion le plat de mil quotidien. Peul, Touaregs et autres cohabitent dans leurs habitats distincts. Tous se croisent au marché accompagnés de leurs troupeaux de chameaux, zébus, chèvres, ânes et moutons. Grâce à notre guide, nous entrons en contact avec ce monde qui vit dans une des situations les plus précaires de notre planète. L’hébergement se fait dans une hutte peule toute en paille. L’ameublement y est minimaliste, un lit et une natte au sol, mais contient néanmoins un objet de grand luxe pour les autochtones du coin : un matelas.

À l’aller et au retour, nous logeons au Karité bleu d’Ouagadougou. Un petit hôtel charmant dont la décoration est composée de magnifiques masques et sculptures authentiques que l’on peut acheter.

Ce voyage fait partie de ceux que l’on n’oublie pas. Intense est le mot. Par son dépaysement, les conditions de transport, mais surtout par les contacts avec ces gens si proches et si loin et qui demeurent toujours calmes et sereins. Un petit conseil : il faut y aller quand il fait « froid ». À moins que vous vouliez avoir une petite idée ce qu’est l’enfer !

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