11 déc. 2009

De l'artisanat à l'industrialisation

Abou, le directeur de la Coop, m’attendais impatiemment avec un projet ambitieux : planifier une usine de transformation du Karité pour la coopérative dont il assume la direction. J’ai rencontré Abou à plusieurs reprises à Montréal et j’ai toujours été impressionné par son esprit entrepreneurial et créatif. Lui a été inspiré par l’usine de café Nelligan que j’ai mis sur pied. Les dés étaient lancés pour une collaboration internationale.

La coopérative, l’Union des Groupes de Production des Produits du Karité (UGPPK, l’Afrique est un terreau fertile pour les sigles incompréhensibles), regroupe 67 groupes villageois qui mobilisent 2,860 femmes. La Coop a été la première au monde à obtenir la certification équitable pour le karité. Elle mise depuis longtemps sur l’exportation et ce choix porte fruit. Ses ventes augmentent à un rythme affolant : en 2005 la Coop a vendu 56 tonnes de karité, en 2009 ce sera plus de 250 tonnes.

Le plan d’affaire actuellement en vigueur prévoit de décentraliser la production vers les centres locaux. Selon le modèle actuel, les productrices viennent au centre de production par unité villageoise avec leur noix et elles utilisent les facilités du centre pour les transformer en karité. La Coop leur achète le beurre qu’elles auront produit. C’est assez impressionnant de les voir aller car c’est un travail dur et très long. (Voir l’album-photo)

Or ce choix pose plusieurs problèmes. Tout d’abord, la difficulté de respecter les délais de livraison. Ils sont actuellement à préparer une commande de 100 tonnes de beurre de karité pour l’occitane Ensuite, il est difficile de prévoir la quantité d’amandes que vont fournir les productrices. Puis, la qualité est non homogène et les coûts de production sont plus élevés en mode artisanal (temps et bois). Finalement, l’augmentation de la production pose des problèmes environnementaux, les rejets d’eau usée et de pâte solide augmentent et on ne sait plus quoi en faire.

En fait, la coopérative est prise devant le choix de continuer ses opérations selon le mode actuel ou bien de passer à l’étape semi-industrielle. La transformation du karité en mode artisanal est une activité traditionnelle des femmes et elles détiennent un savoir-faire qui a été bonifié ces dernières années grâce à la formation et l’ajout d’équipement. Ainsi, la qualité du beurre s’est grandement améliorée. Toutefois, cette façon de faire demande énormément de travail et se fait dans des conditions difficiles. Les économies d’échelles étant limitées, l’amélioration des conditions de travail va rendre le produit non compétitif face aux entreprises qui exportent les amandes et les transforment dans de grandes usines situées à l’extérieur du pays. D’autre part, la production artisanale n’offre aucun avantage en ce qui concerne la qualité du produit final. Au contraire.

L’implantation d’une usine de transformation aurait pour effet de changer radicalement le mode de fonctionnement de la coopérative. Les productrices vendraient leurs amandes à la coopérative qui les transformeraient. L’usine va créer environ 25 emplois permanents. Plusieurs de ces emplois pourront être occupés par des productrices sur une base rotative, d’autres pourraient y trouver un emploi régulier après avoir suivi une formation et un entrainement. Les économies d’échelle qui seront réalisées pourraient être redistribuées en bonification du montant payé pour les amandes. Par ailleurs, des activités de deuxième transformation pourraient être développées en plus de celles du savon.

Un tel choix permettrait d’assurer à long-terme la survie de l’activité karité, de son expansion et de pouvoir garder sur place les activités de transformation génératrices de plus-value. Ce qu'il y a de bien dans cette histoire, c'est que ce sont les femmes productrices qui prendont elles-même la décision finale car ce sont elles qui siègent au Conseil d'administration de la coopérative.
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