20 déc. 2009

Tendance: du karité sous le sapin

En tête de la liste des 10 cadeaux de l’année de Marie-Claude Lortie, columnist de l’art de vivre pour La Presse de Montréal, se retrouvent de petits pots de karité de l’Occitane. Comme vous avez pu le constater dans un texte précédent, ce karité provient de la Coopérative de Léo au Burkina Faso où j’ai eu l’occasion d’intervenir. Une belle publicité, mais encore plus, un signe que le karité est tendance et a de beaux jours devant lui.

http://www.cyberpresse.ca/noel/200912/18/01-932275-lannee-de-marie-claude-lortie-en-10-cadeaux.php

J’ai eu l’occasion de parler avec Maud REBOUL, responsable des Ingrédients & filières durables à l'occitane, et j’ai pu constater que pour eux la relation avec la coopérative est plus qu’une relation d’affaire. C’est un partenariat à long terme. Entre autres, leur fondation a permis de construire la garderie de la Coop. Ils sont prêts à s’impliquer pour de futurs projets afin de maximiser les retombées en Afrique de leurs importations. Un beau modèle porteur d’espoir.

C’est donc une belle suggestion de cadeau pour Noël. Je profite de l’occasion pour vous transmettre mes meilleurs vœux pour cette période de l’année si spéciale.

Je veux également vous remercier pour votre attention à mes publications. Cette semaine, mon blogue a reçu sa 2,000ième visite. Les ¾ étaient du Canada. Les autres venaient de 35 pays répartis sur quatre continents. Le monde change, les cadeaux de Noël aussi !
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18 déc. 2009

Solaire solidaire: les résultats du test

Voici surement le moment de cette semaine historique que vous attendiez tous avec impatience. Pas le résultat de la conclusion de la conférence de Copenhague, mais bien celui de notre test de déshydrateur solaire et solidaire. Pour faire local, nous allons lui donner l’acronyme de DSS. Tout d’abord, quelques explications. La torréfaction a pour but de diminuer l’humidité contenue dans les amandes de karité concassées. Contrairement au café, cette opération n’ajoute rien au goût. Au contraire, les arômes de brulé sont indésirables pour un produit que l’on destine à se mettre sur la peau. À moins qu’une mode de parfum style « saumon boucané » se décide à traverser l’occident. Ce qui ne semble pas le cas pour le moment.

Lorsque les amandes sortent du concasseur, elles renferment autour de 35 % d’humidité. Après le passage au torréfacteur de taux va diminuer de moitié à 17 %. Nous avons placé des amandes broyées dans notre DSS. En une heure le taux d’humidité est descendu à moins de 20% et il a continué à descendre très lentement par après (voir le tableau). Donc c’est un succès et plus rapide que nous l’espérions. Comme disent les chinois : « over expectation ». Bravo !

C’est une bonne nouvelles pour plusieurs raisons. Le fait de doter les centres de production de déshydrateurs solaires, leur permettra également d’y sécher les noix au moment de la récolte. C’est une étape problématique pour la transformation du karité car elle a lieu pendant la saison des pluies. Le soleil y est généreux, mais de violentes averses obligent les productrices à se tenir sur le guet pour mettre leur noix à l’abri au moment où elles sont lourdement sollicitées par leurs différentes récoltes.

Le fait de ne pas utiliser le bois pour torréfier les amandes va également alléger la pression sur la ressource. Ceci est d’autant plus important qu’une des sources de ce combustible est justement l’arbre à karité. Or celui-ci a besoin d’une trentaine d’année avant d’être productif. L’apparition massive de déshydrateur solaire dans un lieu où le soleil est particulièrement généreux pourrait amener la multiplication d’applications bénéfiques pour l’environnement et pour les populations qui y vivent. Solaire et solidaire…
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14 déc. 2009

Un déshydrateur solaire

Dans le petit monde du karité, il y a quelques sujets à polémiques et qui permettent aux initiés de meubler leurs conversations. Par exemple, est-ce que l’avenir du karité est dans l’exportation ou bien dans le marché local et régional ? Un autre sujet est la question de la torréfaction. Selon la méthode traditionnelle le karité, avant d’être baraté, est torréfié afin de réduire le taux d’humidité. L’eau oxyde le produit et augmente le taux d’acidité. Or, la torréfaction a plusieurs inconvénients. D’une part, elle laisse un arrière goût désagréable au beurre. Ensuite, la température atteint lors du processus dépasse souvent le seuil tolérable qui affecte les fragiles combinaisons chimiques.

Pour enlever l’humidité indésirable, l’utilisation du soleil dans des pays où il est omniprésent presque toute l’année a un certain sens. Ceci fait réaliser qu’ici, autant le soleil est présent, autant les capteurs solaires sont rares. Dur rappel du manque de fond chronique qui paralyse tout.

Pour revenir au karité, au Mali certaines expériences de déshydratation solaire ont été tentées avec succès. Quand j’ai fait part de l’idée à Abou, il a d’abord été réticent mais il a rapidement changé d’idée lorsqu’il a constaté que la température de deux torréfactions dépassait nettement les standards. Comme j’avais auparavant trouvé un plan d’un déshydrateur solaire, je me suis retrouvé à l’atelier de Justin Nebie pour construire un prototype.

L’atelier est rudimentaire et le coffre à outils est l’avenant. Les tournevis sont rongés par l’usure, les mesures des mètres (tapes à mesurer) sont effacées par les innombrables va et vient qu’ils ont subis, les têtes des deux marteaux cherchent à s’envoler, mais les scies sont bien affutées et font le travail. Le seul appareil électrique est une scie sauteuse chinoise que l’on doit huiler régulièrement. Justin travaille comme un chirurgien. Il est entouré de quatre apprentis qui sont tout à son service. Comme tout groupe ici, ils sont nettement hiérarchisés du plus vieux au plus jeune et leur rôle et les tâches qu’ils vont assumer sont en conséquences. Ils tiennent outils et pièces de bois qu’ils vont passer au maître lorsqu’il en fait la demande. Aucun des apprentis ne parle français, ce qui en dit long sur leur niveau d’éducation. Mais ils sont attentifs au travail du menuisier qui fait preuve d’une grande maîtrise de son métier.

Heureusement, car le plan s’avère incomplet et très approximatif. Nous devons improviser et nous devons recommencer plusieurs étapes. La légendaire patience africaine ne fait pas défaut. Il n’y a que le québécois qui s’énerve et initie ses collègues aux jurons catholiques. Après les quelques tâtonnements du début, le travail avance rondement et le déshydrateur est livré la veille de mon départ. Au petit matin, nous l’installons et tout est prêt sauf… Le soleil. Il nous a plombé sur la tête et ce sans relâche depuis plus d’un mois et aujourd’hui il est absent. La nature a parfois le don de nous rappeler que c’est elle la grande patronne !

A suivre : les résultats du premier test
Voir aussi l’album-photo
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11 déc. 2009

De l'artisanat à l'industrialisation

Abou, le directeur de la Coop, m’attendais impatiemment avec un projet ambitieux : planifier une usine de transformation du Karité pour la coopérative dont il assume la direction. J’ai rencontré Abou à plusieurs reprises à Montréal et j’ai toujours été impressionné par son esprit entrepreneurial et créatif. Lui a été inspiré par l’usine de café Nelligan que j’ai mis sur pied. Les dés étaient lancés pour une collaboration internationale.

La coopérative, l’Union des Groupes de Production des Produits du Karité (UGPPK, l’Afrique est un terreau fertile pour les sigles incompréhensibles), regroupe 67 groupes villageois qui mobilisent 2,860 femmes. La Coop a été la première au monde à obtenir la certification équitable pour le karité. Elle mise depuis longtemps sur l’exportation et ce choix porte fruit. Ses ventes augmentent à un rythme affolant : en 2005 la Coop a vendu 56 tonnes de karité, en 2009 ce sera plus de 250 tonnes.

Le plan d’affaire actuellement en vigueur prévoit de décentraliser la production vers les centres locaux. Selon le modèle actuel, les productrices viennent au centre de production par unité villageoise avec leur noix et elles utilisent les facilités du centre pour les transformer en karité. La Coop leur achète le beurre qu’elles auront produit. C’est assez impressionnant de les voir aller car c’est un travail dur et très long. (Voir l’album-photo)

Or ce choix pose plusieurs problèmes. Tout d’abord, la difficulté de respecter les délais de livraison. Ils sont actuellement à préparer une commande de 100 tonnes de beurre de karité pour l’occitane Ensuite, il est difficile de prévoir la quantité d’amandes que vont fournir les productrices. Puis, la qualité est non homogène et les coûts de production sont plus élevés en mode artisanal (temps et bois). Finalement, l’augmentation de la production pose des problèmes environnementaux, les rejets d’eau usée et de pâte solide augmentent et on ne sait plus quoi en faire.

En fait, la coopérative est prise devant le choix de continuer ses opérations selon le mode actuel ou bien de passer à l’étape semi-industrielle. La transformation du karité en mode artisanal est une activité traditionnelle des femmes et elles détiennent un savoir-faire qui a été bonifié ces dernières années grâce à la formation et l’ajout d’équipement. Ainsi, la qualité du beurre s’est grandement améliorée. Toutefois, cette façon de faire demande énormément de travail et se fait dans des conditions difficiles. Les économies d’échelles étant limitées, l’amélioration des conditions de travail va rendre le produit non compétitif face aux entreprises qui exportent les amandes et les transforment dans de grandes usines situées à l’extérieur du pays. D’autre part, la production artisanale n’offre aucun avantage en ce qui concerne la qualité du produit final. Au contraire.

L’implantation d’une usine de transformation aurait pour effet de changer radicalement le mode de fonctionnement de la coopérative. Les productrices vendraient leurs amandes à la coopérative qui les transformeraient. L’usine va créer environ 25 emplois permanents. Plusieurs de ces emplois pourront être occupés par des productrices sur une base rotative, d’autres pourraient y trouver un emploi régulier après avoir suivi une formation et un entrainement. Les économies d’échelle qui seront réalisées pourraient être redistribuées en bonification du montant payé pour les amandes. Par ailleurs, des activités de deuxième transformation pourraient être développées en plus de celles du savon.

Un tel choix permettrait d’assurer à long-terme la survie de l’activité karité, de son expansion et de pouvoir garder sur place les activités de transformation génératrices de plus-value. Ce qu'il y a de bien dans cette histoire, c'est que ce sont les femmes productrices qui prendont elles-même la décision finale car ce sont elles qui siègent au Conseil d'administration de la coopérative.
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9 déc. 2009

UGPPK, la Coop de Léo au Burkina Faso

À une heure trente de route au sud de la capitale Ouagadougou et juste avant d’atteindre la frontière du Ghana se trouve la petite ville de Léo. Une quinzaine de milliers de personnes habitent cette petite ville modeste et tranquille. À l’entrée de la ville se trouve la coopérative des productrices de karité et un petit hôtel… vide. Ici, le tourisme ne sortira pas les gens de la misère. Un rapide coup d’œil au centre-ville ne laisse aucun doute sur le niveau de vie de la population locale.

La coopérative est en retrait de la route goudronnée et j’arrive en pleine période de pointe. Le plus grand client de la Coop, l’Occitane, vient de passer sa commande : 105 tonnes de beurre de karité. Une armée de femmes besogne du petit matin à la tombée de la nuit pour extraire le précieux beurre des amandes qu’elles ont récoltées au mois d’août. L’ambiance est sereine malgré la lourdeur de la tâche. Certaines sont au pilon. De nombreuses autres bouillent ou torréfient auprès de feu de bois dégageant une fumée abondante qui ajoute à la chaleur ambiante. Bien que nous soyons en saison « froide », le thermomètre atteint les 35 degrés. Celsius bien entendu !

En Afrique, qui dit femme dit enfants. Une garderie a été aménagée, mais la plupart tournent autour de leur mère. Les plus petits sont terrorisés au passage du géant blanc que je suis. Au contraire, d’autres m’offrent généreusement leur sourire plein de vie. De modestes, mais fonctionnels, bureaux accueillent le personnel administratif. Trois femmes s’occupent de l’administration, supervisées par Abou, le directeur général de l’organisation. Tout se beau monde est également à pied d’œuvre pendant de longues heures, comme s’ils voulaient éviter de circuler sous le soleil. Et ce, souvent 7 jours sur 7. Abou, m’a mentionné que depuis qu’il est en poste, en 2005, il n’a pris en tout et pour tout que 3 jours de congé. Trois. Dire qu’il y a des gens qui pensent que les Africains sont paresseux. Je les mets au défi de venir ici travailler une seule journée à la transformation du karité. Tant qu’à faire, au mois d’avril quand le thermomètre vient chatouiller les 45… à l’ombre bien entendu!
Pour en savoir plus, voir l'album photo
Demain: un beau projet
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1 déc. 2009

Montréal : Centre international de la commercialisation du Karité

D’un premier abord, cette idée doit vous paraître farfelue. Je vais tenter de vous démontrer en quelques lignes qu’au contraire, c’est une idée pleine de bon sens. Tout d’abord pourquoi un Centre international voué è la commercialisation du Karité? Pour valoriser cette ressource et s’assurer que les retombées vont profiter aux productrices du Sud et non aux intermédiaires du Nord. En ce moment, l’essentiel du commerce international du Karité se fait par des entreprises qui achètent les amandes brutes au Sud et les revendent au Nord. Ainsi, l’essentiel de la plus-value échappe aux productrices qui en ont pourtant grand besoin.

Depuis quelques années, et ce dans toute l’Afrique de l’Ouest, un travail considérable se fait avec le soutien des organismes de coopération internationale afin que les femmes qui récoltent le karité se regroupent en coopératives et transforment sur place les amandes en beurre de Karité de qualité. Les progrès sont remarquables à tel point qu’il est devenu urgent de développer les marchés pour écouler les stocks qui commencent à s’accumuler. Le marché local est limité par le faible pouvoir d’achet de ses consomateurs. Par contre, le marché des cosmétiques naturels et éthiques connait une croissance rapide. Mais pour y avoir accès, les coopératives doivent se regrouper. Un organisme international de commercialisation pourrait être un excellent catalyseur pour accélérer ce processus qui tarde à se concrétiser sur le terrain.

Or, tous s’entendent sur le fait que cet organisme devrait être situé à proximité des marchés qu’il a pour mission de développer. Le premier marché mondial est actuellement, et de loin, celui de l’Amérique du Nord. Comme les pays producteurs sont en majorité francophones, la candidature de Montréal commence à faire du sens. C’est aussi un lieu de communication naturel avec l’Europe et les déplacements y sont moins couteux qu’au départ de l’Afrique. De plus, le Québec a développé une expertise internationalement reconnue en développement d’activités commerciales à des fins sociales. Finalement, des ONG basées à Montréal soutiennent depuis longtemps des projets reliés au Karité. Bref, Montréal c’est LA place pour faire ce truc !

Cet organisme serait plus qu’un bureau de vente. Il pourrait développer des partenariats avec les acteurs du marché. Valoriser l’utilisation du Karité avec des outils de communication moderne. Favoriser le développement de la recherche. Suivre l’évolution des marchés en étant à l’affut des opportunités qui peuvent se présenter. Faire le lien avec les productrices afin de bien amarrer offre et demande. L’aide gouvernementale et les fondations privées pourraient être sollicitées afin de contribuer et faire ainsi en sorte que l’essentiel des revenus des ventes soit retourné aux productrices.

Grâce aux nouvelles technologies de communication, les représentantes des coopératives des pays producteurs seraient au cœur de la gouvernance de l’organisme. Ainsi, celui-ci ne serait pas une entité du Nord venant en aide à des populations du Sud, mais plutôt une véritable organisation internationale où les coopératives du Sud siègent d’office et auraient un rôle essentiel pour la prise de décision. À ma connaissance, ce concept novateur serait une première et marquerait un saut qualitatif pour le concept du commerce équitable. J’en ai parlé à plusieurs responsables de coopératives au Mali et ils sont enthousiastes face à ce projet. « Voilà ce dont nous avons besoin » m’ont-ils dit.

Alors, ai-je réussi à vous convaincre que cette idée n’est pas farfelue, mais plutôt un beau projet? Peut-être même aimeriez-vous contribuer à sa réalisation ?

J’attends vos commentaires sur le blogue ou encore par courriel : danielberthiaume@gmail.com
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27 nov. 2009

Le marché des cosmétiques naturels et éthiques : un naturel pour le Karité

J’ai accompagné la directrice du Projet Karité, Mme Binta Bocoum, à un sommet sur les cosmétiques naturels et éthiques qui avait lieu à Francfort en Allemagne. Nous avons assisté à plusieurs ateliers qui nous ont permis de mieux connaitre le marché des cosmétiques et plus particulièrement celui des cosmétiques à base de produits naturels et éthiques. Ce marché ne représente qu’une petite portion du marché global des cosmétiques, soit environ 6 %, mais étant donné la taille énorme de celui-ci, le potentiel est significatif. Le marché des cosmétiques naturel/éthique est évalué actuellement à 7,9 Milliards $ US et connait une croissance rapide de 16% par an. De façon surprenante, le premier marché est celui de l’Amérique du Nord, et de loin, avec 60% du marché mondial. Suivent, ceux de l’Europe 30 % et de l’Asie avec 5 %. L’Allemagne étant le plus important marché en Europe.

Après avoir été distribués principalement dans des réseaux marginaux, tels les boutiques d’aliments naturels, ces produits sont maintenant disponibles dans les réseaux de grande consommation. La principale préoccupation des clients de cosmétiques naturels est, selon plusierus études, l’exclusion de produits synthétiques ou chimiques dans la composition de leurs produits.

Voici comment sont définis les produits pouvant composer un cosmétique naturel et/ou éthique :

• Produit naturel : produit fait à base de plantes ou d’extraits avec un minimum de transformation
• Produit certifié biologique : ingrédient certifié par un organisme biologique reconnu (Écocert, Natrue, NSF…)

• Produit équitable : ingrédient certifié par un organisme reconnu (FLO, Fairtrade…)

En ce qui concerne les produits, 55 à 70 % sont pour les soins de la peau. Chaque cosmétique est composé d’eau et d’un corps gras auxquels on ajoute diverses substances pour ajouter arômes et propriétés. Pour le marché des produits naturels, il y a actuellement une tendance à utiliser des produits alimentaires. Les raisons sont de deux ordres. D’une part, si un produit est comestible, les consommateurs vont le percevoir comme étant potentiellement bon pour la peau. Ensuite, il existe toute une législation concernant les produits alimentaires biologiques et qui peut s’appliquer pour les cosmétiques comestibles. En ce qui concerne les certifications bio pour les cosmétiques, il y a énormément de confusion en ce moment. Plusieurs certificateurs se font concurence.

En ce qui coincerne les produits éthiques, il y a un fort engouement pour les produits ayant une certification équitable. Plusieurs produits pour cosmétiques sont maintenant certifiables, notamment : huile de coco, karité, huile d’Argan, huile de sésame, huile d’olive et de noix du Brésil. Certaines études démontrent que le fait qu’un produit soit éthique lui donne plus de valeur que s’il est naturel.

Nous avons également eu l’occasion d’échanger avec plusieurs participants originaire des différents pays représentés à la rencontre. Nous avons pu apprendre que le marché est très éclaté et qu’il y a de nombreux intermédiaires qui approvisionnent les producteurs de produits finis. Par après, nous avons visité quelques boutiques et constaté que le karité est vendu tel quel ou encore intégré dans plusieurs produits haut de gamme. Le karité naturel est vendu facilement 20 fois plus cher qu’à Bamako. Toutefois, il est moins présent dans les produits vendus à prix populaire. Il commence à y avoir des lignes complètes de produits certifiés équitables et nous en avons même vu à la caisse d’une épicerie comme achat compulsif de dernière minute. Un signe qui ne trompe pas.

Il y a en ce moment un équilibre entre l’offre et la demande de produits. La crise économique actuelle a provoqué un léger ralentissement de la croissance de la demande. Toutefois, les entreprises craignent que la reprise entraîne une pression et que l’offre de produits de qualité risque de ne pas être au rendez-vous. Ils vont alors tenter de s’assurer la disponibilité des matières premières et signant des ententes à long terme avec les producteurs.

Le karité est un produit qui a un potentiel unique pour ce marché. Corps gras 100% naturel et comestible, ses propriétés pour les soins de la peau et des cheveux sont internationalement reconnues. De plus, il fait partie d’une courte liste de produits qui peuvent être certifiés équitables. Dès aujourd’hui, les coopératives du Mali peuvent vendre leur Karité comme produit 100% naturel. A court terme, la certification équitable est accessible sans problème. À moyen terme, pour certaines d’entre elles, on peut envisager d’obtenir la certification biologique.

Le marché des cosmétiques offre des possibilités énormes en termes de quantité mais aussi en termes de prix. C’est ainsi qu’on pourra donner de la valeur au produit. Si les productrices réussissent à garder sur place une partie de la transformation, entre autre en exportant le beurre de karité plutôt que les amandes brutes, elles pourront en faire un véritable outil de développement. Les femmes qui y œuvrent et leurs familles pourront alors regarder l’avenir avec un peu plus d’espoir. Elles le méritent bien.

À venir : un projet innovateur pour ouvrir les portes de l’exportation
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25 nov. 2009

Je suis Africain à Paris (ou presque)

Je le confesse, j’étais très content de prendre l’avion pour l’Europe et changer d'air pour une semaine. Je n’ai pas été déçu, mon séjour a été bénéfique autant professionnellement que pour mon équilibre mental. L’aspect professionnel sera abordé dans un prochain texte. Parlons du mental.

En ce qui concerne les attraits touristiques ou la culture, Francfort est loin d’être la ville la plus intéressante d’Allemagne. C’est le centre économique de la première puissance européenne. Pourtant, il existe un petit « Vieux-Francfort » en bonne partie reconstruit après les destructions de la guerre 39-45. On le traverse assez rapidement pour arriver à la « Main ». Ici, ce n’est pas un boulevard, c’est une rivière. Il y a Francfort-sur-Main et Francfort-sur-Oder plus à l’Est. C’est là que j’ai eu mon premier choc. Voir plein de gens marcher nonchalamment sur les rives d’une rivière en empruntant des voies réservées aux piétons. Je me sentais comme un prisonnier qui sort de prison et est émerveillé devant une chose aussi banale que de rentrer dans un dépanneur pour y acheter une barre de chocolat (J’ai vu ça dernièrement à Cowansville). De beaux endroits pour marcher tranquille à Bamako, ça n’existe pas.

Deuxième émerveillement, nous entrons dans une vieille église. Un grand orchestre accompagné d’une chorale se prépare à une générale du Paulus de Mendelssohn qui sera présenté en fin d’après midi. C’est un puissant rappel que la culture allemande, trop souvent dénigrée, est aussi celle des Goethe, Beethoven et autres. Très beau à entendre par ce dimanche ensoleillé de Novembre.

Puis, il y a eu Paris. Par de belles journées fraiches et ensoleillés d’automne, c’est un petit paradis. On ne sait quelles mouches ont piquées les parisiens, mais les râleurs hautains de mes souvenirs ont mystérieusement disparus. Partout on est gentils. Enfin,presque !

Puis, on peut se promener en vélo avec les vélib, les prédécesseurs de nos Bixi… Quand on a compris comment ça fonctionne. Au départ, comme c’est français, ça reste un peu compliqué. Mais quel bonheur de pédaler entre le Louvre, Notre-Dame-de-Paris, Saint-Germain-des-Prés et le Père-Lachaise. Pour ne payer qu’un euro par jour, on doit changer de monture à tous les trente minutes. Belles occasions pour marcher un peu, prendre une bouchée, visiter une des ces innombrables petites boutiques qui bordent les rues de Paris. Et l’air y est si pur comparé à celui de Bamako !

Pendant ce temps,moins chanceuse ma collègue Malienne a profité du système de santé français pour passer des tests médicaux. La vie à Bamako c’est dur pour la santé. Entre l’air irrespirable, le paludisme et autres maux, l’espérance de vie n’y est que de 53 ans. Mon âge !

Voir aussi les photos dans l'album...

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14 nov. 2009

Des moutons en ville, des éléphants dans les champs

Bamako est actuellement envahi par les moutons. En temps normal, il est habituel d'y croiser ici et là des ruminants. Par exemple un soir en rentrant d'une sortie, j'aperçois une vache attachée devant mon hôtel situé en plein centre-ville. J’ai dû revenir sur mes pas pour confirmer cette apparition inatendue. Il faut dire que l’éclairage urbain à Bamako est, comment dirait-on, discret évitant ainsi la pollution lumineuse pour les observatoires astronomiques. Bref, je me suis approché et j'ai constaté que la bête en était bel et bien une et bien vivante en plus. Mes consommations de la soirée qui se terminait ne m'avait pas joué de tours.

En ce moment, les moutons sont omniprésents en ville et ce sont des troupeaux entiers qui se déplacent et broutent les quelques rarissimes verdures que l’on peut encore y trouver. La raison : la fête du mouton, appelé aussi l'aid al kabir, s’en vient. À cette occasion, chaque Musulman doit sacrifier un mouton s’il en a les moyens. Comme les Maliens sont fiers et pratiquants, ils économisent pendant toute l’année pour avoir le mouton requis pour la cérémonie. Comme tout le monde veut son mouton en même temps, les prix explosent. Pour une bête bas de gamme, genre "spare-rib" sur 4 pattes, on devra payer plus de 60$. Le prix pourra tripler et même quadrupler pour une bête bien charnue. Une fortune pour les gens d’ici. En ce moment, l'inflation des prix du mouton fait la une des journaux.

Puis, comme c’est une fête, il faut s’habiller. Les innombrables petites échoppes de couturiers fonctionnent à plein régime. En marchant le soir, on peut voir les hommes, oui ici ce sont des hommes, encore penchés sur leur machine à coudre primitive. Les robes et les boubous aux couleurs vives et finement brodés de motifs esthétiques sont accrochés aux murs. Ils donnent de l’opulence à ces boutiques à l'allure plutôt modeste.

Hier, une autre invasion animale a fait la une des journaux. C’est celle d’un troupeau composé d’une vingtaine d’éléphants qui s’est attardé sur les terres de paysans de la région de Sikasso. C'est bien connu qu'un éléphant dans un magasin de porcelaine va faire du dommage. Eh bien, une vingtaine d’éléphants dans un champ cultivé en font autant. Au Mali, il y a encore des éléphants sauvages qui se déplacent au fil des saisons pour se nourrir et s’abreuver. Charmant pour les étrangers, c’est problématique pour les locaux qui ne bénéficient ni d’assurances, ni d’aide de l’État pour compenser les pertes. Une illustration de la lutte éternelle entre la nature et l’humain !

Pour terminer un petit bijou de l'Islam lu dans un livre du grand écrivain Malien, Amadou Hampâté Bâ, dont je vous parlerai plus tard:

"Aucun croyant ne doit quitter cette terre sans avoir, au moins une fois dans sa vie, violé la loi au nom de la pitié"

À méditer...
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13 nov. 2009

Représenter le Mali à une rencontre internationale sur les cosmétiques

Je m’envole samedi soir en direction de Francfort en Allemagne pour participer à une rencontre internationale : « Sustainable Cosmetics Summit». J’accompagne la directrice du Projet karité du Ministère de la promotion de la femme du Mali, Mme Binta Bocoum. Si quelqu’un m’avait dit qu’un jour je représenterais le Mali à une rencontre sur les cosmétiques, je me serais sérieusement interrogé pour sa santé mentale ou encore sur sa consommation de produits illicites. Comme quoi la vie nous place parfois dans des situations inattendues.

Voici la logique de se déplacement qui est payé par rien de moins qu’une agence de l’ONU, UNIDO, vouée au développement industriel. Des installations de production ont été financées et mises en place dans 3 régions du Mali. La production va bien tant au niveau de la quantité que de la qualité. Par contre, le marché reste à développer. Les possibilités du marché local et celui de l’Afrique de l’Ouest sont limitées par le faible pouvoir d’achats des consomateurs. Un des plus faibles au monde.

L’exportation au Nord pour le marché des cosmétiques apparait comme une avenue prometteuse. Le contexte du développement durable peut être une porte d’entrée naturelle. On estime le marché des cosmétiques naturels et/ou équitable à plus de 1 milliard $ par an et il se développe à un rythme soutenu. Notre participation à ce sommet sera une bonne occasion pour en savoir plus sur ce marché, d'en connaitre les conditions d’accès et de se faire des contacts. Les organisateurs nous ont même réservé un petit moment afin de présenter notre projet à la centaine de personnes qui vont y participer.

Un dossier à suivre en exclusivité sur le blogue…

11 nov. 2009

Rejoindre le monde



Voici un bilan quantitatif de mon blogue

Au 10 novembre 2009 il y a eu :
1,292 visites par
635 visiteurs venant de
25 pays répartis sur 4 continents

Merci à tous

À ne pas manquer : un coureur des bois québécois représentera le Mali à une rencontre internationale sur les cosmétiques biologiques et équitables à Francfort !

8 nov. 2009

La rencontre d’orientation

La directrice du Projet karité, Binta Bocoum, a convoqué une rencontre de trois jour afin de faire le point sur l’organisation des centre de production et de proposer de nouvelles orientations pour les activités commerciales. Il y a 6 centres de production en opération et 2 autres en voie de l’être. L’essentiel des ventes se fait par le Projet karité et un transfert doit se faire vers une structure autonome et qui sera contrôlée par ces centres.

Une trentaine de personnes participaient à cette rencontre : des représentantes des centres de production, des cadres et des conseillers et conseillères du Ministère, les employés du projet ainsi que les trois vaillants coopérants canadiens qui y œuvrent. Une représentante de la Ministre et Souleymane du CECI ont participé à la cérémonie d’ouverture. Très important ici le cérémonial.

Dans un premier temps, nous avons fait un portrait de la production et des ventes par centre pour compiler le tout et permettre à tous de mieux connaître ce que font les autres. Ceci nous a permis de réaliser que l’on n’avait réussi à vendre que moins du tiers de la production de l’année qui vient de se terminer. De ces faibles ventes, moins de 20% se font au niveau local. Cette situation qui pourrait sembler catastrophique ne l’est pas tout à fait : l’arbre à karité produit par cycle de 2 ans. Les amandes et le beurre peuvent se conserver plusieurs année s’ils sont entreposés dans de bonnes conditions. Cette année, on prévoit que la récolte sera équivalente à environ 25 % de l année précédente. Mais tous s’entendent qu’il faut augmenter les ventes. Mais comment ?

Dans la deuxième partie de la session, je leur ai proposé une formation sur les marchés du karité. Chacune d’elles vend du karité qu’elles produisent artisanalement à la maison. C’est un incontournable à la campagne pour passer au travers de ce qu’on appelle la soudure : la période entre les récoltes. La sécheresse. Donc, elles vendent leurs produits à divers clients, sont confrontées à des compétiteurs et leur produit doit composer avec des substituts. À la campagne, la principale utilisation du karité est comme gras de cuisson, c’est l’huile de coton qui peut le remplacer. Je les ai mises à contribution pour identifier les différents acteurs et la participation a été très bonne. C’est un univers qu’elles connaissent. Parce qu’il faut le dire, autrement la participation lors de cette rencontre a été principalement celles des conseillers et des conseillères du Ministère qui les supportent.
Puis j’ai abordé ce qui est plus lointain, les marchés du beurre amélioré et des produits transformés. C’est pas mal plus abstrait pour elles. Comme le beurre amélioré se vend trois fois plus cher que son équivalent artisanal, les clients en campagne se font rares. L’objet de cette partie de ma présentation était de leur souligner que le développement de ce marché très prometteur, ne l’oublions pas, prendra du temps et sera difficile à faire pour de petites entités rurales. Le message a très bien passé.

Ensuite, nous devions expliquer comment nous pouvons développer ce marché et rentabiliser l’entité qui va le faire. Tout d’abord, j’ai du faire le point sur la formule actuelle qui est de retenir 17% des ventes pour financer les opérations de commercialisation. D’une part, il faut suivre chaque pot pour connaitre son prix final de vente pour fixer le revenu que touchera la Coop qui l’a produit. Ceci devient très compliqué au fur et à mesure que les ventes et le nombre de clients augmentent. Puis le montant est largement insuffisant car il couvre à peine les coûts des pots et des étiquettes.

Je leur ai proposé un modèle selon lequel l’entreprise en devenir va acheter et revendre les produits. Le prix d’achat devra être juste tout en permettant d’être compétitif sur les marchés et permettre à l’entité de survivre. Ceci est réaliste mais à quelques conditions : Tripler les ventes en 5 ans, bien gérer toutes les ressources et réserver autour de 30% des ventes pour l’entité qui en sera responsable. Des ateliers ont été prévus pour prendre le pouls des participants. Lors de la plénière qui a suivi, ils ont signifié leur accord.

Le dernier élément de cette rencontre était l’organisation des centres qui prend beaucoup plus de temps que prévu. L’opération se heurte à de nombreux obstacles et les acteurs ont peu de formation pour les affronter. Tous s’impatientent et se renvoient la balle. Avant que le tout ne dégénère, je leur ai proposé de se faire un plan de travail avec des tâches précises, d’identifier des responsables avec un échéancier. Mon intervention a porté fruit et un plan a été produit.

Les participants ont évalué cette rencontre de trois jours de façon très positive. Elle va permettre au Projet Karité d’amorcer une période de transition pour transférer ses responsabilités vers les centres de production et vers la future entité qui sera responsable de commercialiser leurs produits. Il reste encore beaucoup de travail à faire et de nombreux obstacles vont apparaitre. Comme on le dit si bien chez nous, y’en aura pas de facile. Mais c’est le début d’une nouvelle étape pour ce projet ambitieux et essentiel. À suivre…
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7 nov. 2009

Spécial : souvenirs du mur de Berlin

Je profite du 20ième anniversaire de la chute du mur de Berlin pour vous apporter mon témoignage personnel sur cette étrange construction. J’ai eu l’occasion d’aller à Berlin deux fois avant la chute et j’y suis retourné une fois par après. Berlin demeure une des villes les plus intéressantes au monde. Que ce soit par son histoire, son architecture ou le bouillonnement culturel que l’on y retrouve. Mais la présence du mur lui donnait un aspect unique et spectaculaire que l’on ne peut oublier.

Tous d’abord on parle du mur, mais en fait c’était deux ou trois murs et entre chacun un « no man’s land » hermétique. Ce territoire interdit rappelait étrangement les camps de concentration. De l’autre coté du mur, on pouvait y observer de près d’énormes bergers allemands attachés à intervalle régulier, des tours de garde habitées en permanence et une route fréquentée par des soldats armés dont l’habillement tout en gris rappelait ceux des nazis. Le tout avait une efficacité bien allemande. Peu de gens ont réussi à franchir cet obstacle et plusieurs y ont perdu la vie.

Ce rappel douloureux de l’histoire n’était pas situé en fin fond de campagne ou dans un musé, il transperçait la ville en plein cœur. Deux édifices historiques s’y trouvaient piégés. Tout d’abord le Parlement Allemand, qu’Hitler avait pris le soin de passer au feu pour marque le début de sa dictature et dont la prise par l’Armée Rouge en 1945 a en marqué la fin. Ce moment a été immortalisé par la photo du soldat soviétique issant le drapeau soviétique à son sommet. Une des plus fortes images de l’Histoire contemporaine. La porte de Brandebourg un symbole puissant de la puissance des empires du passé elle était gardée bien en vue par des soldats Est-allemands.

Comme visiteur, nous pouvions voir cette blessure architecturale mais le drame humain des familles séparées demeurait abstrait. Par contre, l’impact de ce mur ayant pour objet se séparer deux sociétés devant se développer de façon radicalement différente était frappant. Tout d’abord, l’Ouest a été graduellement envahi par des jeunes marginaux fuyant le service militaire obligatoire en République Fédérale (Ouest) mais dont étaient exemptés les résidents de Berlin-Ouest. De plus, comme pour en sortir il fallait traverser le territoire de la République Démocratique (Est), deux heures de route , il s’était développé à Berlin-Ouest une activité urbaine et une vie nocturne unique au monde. Bref, Berlin-Ouest était une ville à l’avant-garde de la modernité. Un méga Plateau-Mont-Royal. À l’Est, c’était pas mal différent !

Pour y traverser, rien de plus facile pour un occidental. On prenait le métro dont la construction était antérieure à la division de la ville. Deux lignes de l’Ouest traversaient le centre historique, maintenant coté Est, pour revenir par après vers l’Ouest. À l’endroit où la rame de métro passait sous le mur, les parois du tunnel se ressaieraient dramatiquement pour s’assurer qu’aucune personne de L’Est ne s’aventure à s’accrocher à un wagon. Puis, on traversait une ou deux stations abandonnées. Elles étaient dans leur état authentique, faiblement éclairées et patrouillées par des soldats mitraillettes à l’épaule et berger allemand en laisse. Assez spectaculaire. Puis, on arrivait à la station d’où l’on pouvait sortir et accéder à l’Est. On pouvait aussi tout simplement y descendre pour y acheter au kiosque un paquet de cigarettes à un prix imbattable ou encore l’Humanité, le journal du Parti Communiste Français, moins cher qu’à Paris !

Une fois à l’extérieur, on devait se procurer le visa et changer une vingtaine de dollars en monnaie locale, le Mark de l’Est, que l’on devra dépenser pendant la journée car il n’avait aucune valeur à l’Ouest. Ceci devait s’avérer tout un défi. En effet, grâce au communisme tout ce qui était vendu, que ce soit les transports, la nourriture ou les biens de consommations devaient être accessible à la classe ouvrière. Le problème c’est qu’il y avait à peu près rien à vendre et que le peu qui était offert était de mauvaise qualité.

Nous avions entamé notre promenade dans Berlin-Est en marchant dans les rues limitrophes de la station. C’était un véritable voyage dans le temps. Pas d’édifice moderne, les plus récents étaient du modèle stalinien rappelant les tristes années 30. Pas de commerce privée, que de petits cafés ou de petites boutiques d’état à l’affichage discret et à la devanture rappelant l’avant guerre. Le plus curieux c’étaient les gens. Bien que vivant tous finalement dans la même ville, le contraste était saisissant. L’Ouest était éclaté avec ses punks, ses hippies, et ses gens ayant la réussite bien en évidence. Au contraire, l’Est était gris et uniforme. Des gens habillés comme dans une petite ville de la campagne québécoise du début des années soixante.

Contrairement à ce que l’on peut penser, certaines personnes de l’Est pouvaient voyager sans restriction à l’Ouest : les retraités. La raison était simple, l’État désirait s’en débarrasser afin de ne plus avoir à payer leur retraite. Ainsi, ils étaient nombreux à venir passer la journée à l’Ouest. Ils étaient facilement reconnaissables par leur habillement mais aussi par leur énorme sac qu’ils portaient. Leur visite n’était pas touristique. Ils étaient mandatés par leurs proches, qui ne pouvaient faire le déplacement, afin d’acheter ce qui était introuvable à l’Est. Des choses aussi banales que des oranges, des bananes ou encore du papier de toilette !

La fierté allemande avait été durement mise à l’épreuve par l’histoire récente et ne pouvait tolérer indéfiniment cet affront. Le mur a fini par sauter et bien qu’on ait tout fait pour l’effacer, il laisse encore des traces dans la ville, dans le pays et dans la tête des gens. C’est une plaie qui nous rappelle cette guerre entre les deux folies idéologiques du 20ième siècle et qui a couté la vie à des dizaines de millions d’innocents. C’est aussi un des souvenirs les plus forts de ce que j’ai gardé de mes voyages de par le monde.

4 nov. 2009

Le Projet Karité : un projet ambitieux aux bases fragiles

Le Mali est une femme prude qui dévoile ses secrets à doses homéopathiques. L’étranger qui arrive ici en suivant les recettes apprises dans son pays va faire chou blanc. Le plat va immanquablement coller au fond de la casserole. À l’opposé, celui qui veut poser un bon diagnostic avant de prescrire une quelconque potion doit s’armer de patience, de diplomatie, de ruse, de doigté et faire preuve d’une vivacité d’esprit sans faille. La patiente est discrète sur ses maux et sur ses états d’âme.

Je ne vous apprendrai rien en écrivant que la réalité ici est radicalement différente de la nôtre. Elle est également complexe. Tout est imbriqué et on doit composer avec les réalités économiques, culturelles, géographiques, sociales et historiques. De plus lorsque certaines choses nous échappent, les explications ne viennent pas de soi et LE facteur déterminant sur lequel on devra s’attaquer en priorité peut prendre beaucoup de temps à se manifester. S’il le fait.

Le Projet karité pour lequel je travaille est un projet ambitieux. L’UNIDO (organisme des nations unis pour le développement industriel) a financé 8 centres de production de karité sur l’ensemble du pays. Le Projet Karité est géré par le Ministère pour la promotion de la femme de l’enfant et de la famille. Assez rapidement, on parle de 5 ans, ces centres doivent s’autofinancer et s’autogérer sous une forme de coopératives. Trois des ces centres bénéficient d’installations et d’équipements qui on couté plus de 50 millions de FCFA (100,000 $). Les autres plus de 30,000$. Une fortune ici. De plus on y a injecté des bonnes sommes comme fonds de roulement pour financer les premiers achats de karité des productrices.

Le tout a bien démarré. Une marque de commerce et une image ont été établies. De nouveaux produits de qualité sortent des centres grâce à de nombreuses formations et des équipements adaptés. Mais en ce moment, le projet est à un point tournant. Les stocks s’accumulent, les fonds de roulement s’épuisent et les productrices commencent à s’impatienter. Les marchés doivent être développés, un système de gestion des ventes et des achats doit être mis sur pied, la politique de prix doit être réévalué. De plus, les coopératives des centres de production doivent se prendre en main, ce qui est loin d’être évident lorsque la grande majorité de ses dirigeantes sont illettrées.

Cette semaine, nous avons une rencontre de 3 jours avec les dirigeantes des centres de productions, des déléguées du Ministère et des gens du CECI. Des orientations seront proposées afin de franchir cette nouvelle étape.
C’est un défi colossal dans un contexte difficile et complexe. Pour le relever, les compétences en gestion font cruellement défaut. Les Maliens peuvent compter sur la collaboration de coopérants volontaires comme moi pour les assister. Ce n’est pas suffisant, car nous manquons souvent d’expérience ou de temps pour bien faire et les interventions peuvent être contradictoires d’un coopérant à l’autre.

C’est une des multiples raisons qui fait que de nombreux projets ne remplissent pas leurs promesses.

Inch Allah !
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2 nov. 2009

Le blues de Bamako


Tous les étrangers qui vivent ou travaillent ici ont des moments de découragement. Hier soir par exemple, je dois aller souper chez des amis. Je me rends au stand de taxi à coté de l’hôtel. Les 5 ou 6 chauffeurs présents doivent discuter afin de bien identifier l’endroit précis où je dois aller. Puis, il faut négocier le prix: 1,500 FCFA (4$). Pas de problème jusqu’ici. Mais le chauffeur me demande si j’ai la monnaie car lui n’en a pas. C’est normal ici. Comme je n'en ai pas, il part à la recherche auprès de ses collègues, personne n’en a. Pendant que je me débats avec les moustiques qui ont envahi sa bagnole, il fait 2 ou 3 commerces avant d’en trouver. C’est le moment de partir… Sa Mercédès en ruine ne démarre pas. Ses collègues viennent pousser et après plusieurs toussotements le moteur diésel se décide à collaborer.

Ici, il y a une suite infinie de frustrations. Tout casse. Tout tombe en panne. Que ce soit, l’électricité, l’eau, le téléphone, l’internet, l’ascenseur, la climatisation, la télé, le taxi ou je ne sais quoi encore, tout fini par vous laisser tomber et souvent au moment où vous ne vous attendez pas. Pas surprenant, tout est de mauvaise qualité, utilisé à 200% de sa capacité et dégradé à un point où la mise au rancart serait chose faite depuis longtemps dans un pays normal. Alors, tôt ou tard on finit par soi-même disjoncter. Que ce soit une petite crise verbale ou un moment de découragement où l'on de demande sérieusement ce que l’on est venu faire ici.

La réaction des Maliens est toute autre. Ils demeurent calmes et vous diront qu’ils vont arranger le tout rapidement. Il semble que la théorie de l'évolution trouve ici une belle application: ceux qui sont nés ici sont faits pour affronter ce genre d’obstacle avec le sourire. Par miracle, un sauveur sorti de nulle part va apparaitre. Il transporte une besace aussi usée que la machine qu’il vient réparer. Il en sort quelques outils rudimentaires et il va immanquablement régler le problème. Les sceptiques seront confondus.

Dans le taxi, je rumine en silence mes frustrations. En passant devant un kiosque, je craque et je m’achète un paquet de cigarettes (1,25$!!!). Puis, nous quittons le bitume. La voiture gondole au gré des nids de poule. Montréal vous n’avez rien vu. Je me demande si la ruine dans laquelle nous ondoyons va tenir le coup jusqu’à bon port. Il fait noir et on ne voit rien. Le gondolier arrête devant une porte où somnole un agent de sécurité. C’est là ! Incroyable! je pousse un cri d’émerveillement et remercie le chauffeur manifestement fier de son coup. Il me tend la main et nous échangeons une chaleureuse poignée.

Je suis bon pour me rendre au prochain obstacle…
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1 nov. 2009

Les élections à Montréal vu de Bamako,

 

Lors de mes voyages de jeunesse, pour savoir ce qui se passait au pays il fallait passer par l’Ambassade du Canada afin d’y lire les journaux. Le Canada est un long fleuve tranquille dont on entend à peu près jamais parler dans le monde sauf au moment des référendums québécois. Le silence risque de perdurer un bout de temps !

Mais maintenant, je peux suivre l’actualité de près. Je lis les journaux avant vous grâce au décalage horaire (+5 depuis ce matin). Comme je travaille avec internet, je peux entendre à quel point les 450 poirotent sur les ponts et ce en temps réel. Et puis, si l’appel du muézin me réveille au petit matin (5h30), je peux aller regarder le téléjournal de la veille. En fait, 3h30 après vous. Tout ceci fait qu’on peut suivre de près ce qui se passe au loin à la maison. Attention, je vous ai à l’œil.

Au début de mon séjour, je suivais peu la campagne électorale. Mais les derniers évènements ont fouetté mon intérêt. Mais je trouve toujours difficile de répondre à la charade qui nous est offerte :
Mon premier ne voit rien et est complètement dépassé par les évènements. Ma deuxième, ne voit que la moitié des choses ne pouvant communiquer ni avec la moitié de ses concitoyens ni avec ses partenaires continentaux. Mon dernier est un illuminé aveuglé par ses convictions et qui ne semble pas avoir le gabarit pour étreindre ma ville chérie.

Montréal est ingérable. D’une part elle est prise avec une bureaucratie qui en a tous les défauts. Ses employés sont rebelles et ingérables. On y a créé des petites baronnies, les arrondissements, hors contrôle. La région métropolitaine n’a pas de gouvernance digne de ce nom. Finalement, La « constitution » de la Ville est loin, pas à Londres, mais à Québec qui s’en fout car peu importe qu’on y soit bleu ou rouge, ils n’ont aucun gain électoral à y faire. La représentation politique de Montréal est aussi stable que le roc des Laurentides.

Pas surprenant que les gens d’envergure ne se bousculent pas au portillon. Pauvre Montréal ! Pour vous consoler, dites-vous que c’est pas mal plus compliqué à Bamako. On s’en reparle…
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27 oct. 2009

Une rencontre exceptionnelle

Au deuxième jour de notre expédition, nous avions rendez-vous en matinée à Kimini, une petite communauté rurale située à une quarantaine de kilomètres è l’est de Ségou. Le départ a lieu vers 8 heures et déjà la chaleur est omniprésente. À peine sortis de la ville, le climatiseur de notre véhicule rend l’âme. Je crains le pire. La veille notre rencontre avait lieu dans l’entrepôt de la Coopérative où nous avions assis sur un banc le dos appuyé sur un mur brulant. Rapidement, je me suis mis à transpirer comme dans un sauna.
La route se fait rapidement et nous arrivons au petit village situé en bordure du goudron. Après être passés par le bureau du maire du village afin de faire signe de certificat de mission, nous arrivons sur les lieux de la coopérative. Une cinquantaine de femmes sont assisses en rond bien à l’ombre d’un grand arbre. Une table et 4 chaises neuves nous attendent. L’animateur du Ministère nous accueille. Vous avez bien lu, il s’agit d’un homme, le seul que l’on va croiser dans toutes ces rencontres. Il agira comme traducteur car aucune de ces femmes ne parlent français.
Nous prenons place et une douce brise agréable vient me rassurer. Nous faisons face à ces femmes assises sur des bancs rudimentaires. Elles sont d’âge très variés. Toutes sont vêtues de leurs robes bien propres aux motifs colorés. Chacune porte un châle et l’inévitable turban sur la tête. Mais les couleurs ne sont pas harmonisées et aux pieds elles portent toutes des gougounes usées. Bien qu’elles aient fière allure, on devine la pauvreté. Trois d’entre elles ont leur bébé dont deux allaitent bien en vue face à moi.
Un oiseau dans l’arbre défèque sur notre table au grand plaisir de tous. Le dégât est vite ramassé et il parait que ça porte chance. Après les présentations, je prends la parole et décide de profiter de leur présence pour en savoir un peu plus sur leur vie et la place qu’occupe le karité. Rapidement, une femme prend la parole et d’autres enchaînent. La participation est bonne, la parole franche et facile. Elles me soulignent l’importance du karité dans leur vie. À la maison, pour la cuisson et à l’extérieur comme activité commerciale. Elles en ont tous plusieurs, mais le karité demeure la principale source de revenus. Elles apprécient la création de la Coop. Elle leur a permis d’avoir de la formation et d’améliorer leur production. Elle a également pour effet d’augmenter leur revenu. Un peu, prennent elles le temps de spécifier. Les acheteurs privés payaient de 75 à 100 FCFA le kilo d’amande (,20 à 0,25 $) et la Coop paie 150 FCFA (0,40 $). Les attentes sont claires.
Elles ont grand besoin de partenaires qui achèteront leur karité. Comme elles sont en région éloignée et peu fréquentée par les touristes, elle dépendent à 100% des achats du projet Karité. L’an passée, la Coop a produit 2,380 kilos de beurre et il en reste encore 1,400 à vendre. Elles apprécient l’autonomie que leur offre la formule coopérative mais expriment avoir un grand besoin de formation. Après avoir passé la parole à mes collègues et avoir eu des réponses aux questions posées de part et d’autres, je leur fais part de mes réflexions sur le marché du karité. Selon moi, il y a beaucoup de potentiel, mais ce marché prendra du temps à se développer. D’une part, le marché local est limité par le pouvoir d’achat des Maliens et de la présence du beurre traditionnel beaucoup moins cher. Tous en conviennent. Les marchés internationaux offrent des possibilités mais prendront du temps à se développer et ce sera important qu’elles soient regroupées pour le faire. Une petite Coop au bout du monde a peu de chance de le percer. À la fin de mon intervention, je suis applaudi. La femme Malienne a une patience légendaire qu’elle a dû développer pour survivre et élever ses enfants envers et contre tous. Manifestement, elle en aura encore besoin.
Pour terminer la rencontre, des hommes sont apparus. Ce sont trois percussionnistes du village qui entament des rythmes harmonieux. Ils jouent d’instruments d’un autre âge et qui émettent des sons clairs et puissants. Les femmes s’agitent viennent tour à tour faire leur numéro de danse et ce peu importe leur âge. Celles avec le bébé au dos ne sont pas en reste et la petite tête à l’arrière se met à branler à un rythme inquiétant. Au point où une mère est ramenée à l’ordre par une ainée. Sortie de nulle part, une horde d’enfants est apparue et ils nous scrutent du regard. Ils n’ont peut-être jamais vu de blancs d’aussi près. Une bande de jeunes filles viennent s’agiter à notre coté et nous démontrer que le rythme de la danse fait partie de leur code génétique. Vraiment sympathique.
Nous devons quitter assez rapidement, car nous avons un long déplacement de prévu. Les adieux sont chaleureux, les poignées de main sincères. Une fois dans le véhicule, je réalise que si parfois je me demande ce que je suis venu faire dans ce pays, à ce moment je n’en ai aucun doute. D’une part, j’ai touché à une portion de vie de notre humanité à laquelle je n’aurais jamais eu accès autrement, et, d’autre part, je quitte avec le sentiment que la petite pierre que je peux poser dans cette œuvre a une réelle et profonde utilité.

26 oct. 2009

3) L’ordre de mission


S’il y a une chose que je trouve déroutante et tout à fait symbolique du gouffre culturel qui nous sépare des Maliens c’est bien la signature de l’ordre de mission et de l’apposition du tampon de l’autorité concernée. Au départ, le truc est simple. L’organisme qui finance la mission, une visite dans une Coop à la campagne par exemple, doit avoir une pièce justificative afin de prouver que la mission a bel et bien eu lieu et que les dépenses nécessaires étaient donc justifiées. Jusqu’ici rien à dire. Ce sont des fonds publics canadiens, Maliens ou encore d’Organisations internationales qui sont ici en jeu. En ce qui concerne cette mission, il y a deux organismes partenaires : le CECI et le Ministère de la famille, de l’enfance et de la famille. Donc deux ordres de mission à faire valider. Ces deux ordres de Mission devront être validés par les autorités des trois lieux où nous irons. Donc 6 signatures et 6 tampons.

Où ça commence à se compliquer, c’est quand il s’agit d’identifier l’autorité apte à valider le dit document. Chez nous, le responsable de la Coop devrait pouvoir le faire, mais ici, il faut viser plus haut. Dans la tradition française, la délégation d’autorité se fait au compte-gouttes car il faut bien faire sentir de façon régulière à l’administré qui est le fondé de pouvoir dont il dépend et auquel il doit soumission totale. Alors, si nous allons dans un petit village, c’est le maire qui doit signer et apposer lui-même son sceau. À Kimini, ce serra l’occasion de voir son bureau vétuste et pratiquement vide. A l’opposé, Il y a plein de monde à la mairie, ce que j’ai de la difficulté à m’expliquer pour une aussi petite entité administrative. Le maire en habit traditionnel porte un magnifique chapeau et nous souhaite la bienvenue. Cette procédure est aussi l’occasion de rencontrer le grand patron local. Il prend un grand soin à bien écrire les dates d’arrivée et de départ et appose une signature artistique et solonelle. On est loin de mon indéchiffrable gribouillis que j’appose sur de moins en moins de papier. Puis il prend avec respect le tampon et la boite d’encre pour apposer délicatement le sceau.

Au cours d’une mission précédente, nous sommes passés à Diola un petit village qui est aussi le siège le du préfet du Cercle, l’équivalent du département Français. C’est donc lui qu’il a fallu rencontrer. Le Cercle est situé dans un édifice datant manifestement de la période coloniale, qui s’est terminé, rappelons le, il y a plus de cinquante ans. Une fois arrivés à destination, nous avons droit de couper la file d’attente et d’entrer dans le bureau où trône le préfet au milieu de montagnes de papiers. Derrière lui, la liste de tous les préfets depuis le début la période coloniale. Mêmes salutations polies, mêmes soins pour valider le précieux document. On discute un peu et il nous souligne le dévouement des femmes qui œuvrent au Centre du Karité pour presque rien. En laissant sous entendre qu’elles devraient gagner un peu plus. On va vérifier.

Dans les deux grandes villes que nous avons visitées, Ségou et Sikasso nous devons rencontrer la directrice locale du Ministère. En principe, ça devrait être plus simple, car elles sont directement impliquées dans le projet. Il n’en est rien. Dans un premier temps, il faut trouver le bureau. Si les gens au Mali n’ont pas de certificats de naissance, les édifices ne sont pas en reste : ils n’ont pas d’adresse. Souvent, les rues n’ont même pas de nom. Si elles en ont un, il n’y a pas de panneau pour l’indiquer. Pour simplifier les choses, les édifices administratifs sont saupoudrés sur toute la superficie de la ville souvent situés sur des chemins de terre impraticables avec une voiture normale. Pour nous rendre, on dispose en général d’une indication genre à coté de l’Hôtel X. On doit d’abord se renseigner pour trouver l’Hôtel et de là se renseigner de nouveau pour trouver l’édifice qui en général, il y a des exceptions, aura un panneau pour l’identifier. Or, à Ségou personne à qui nous l’avons demandé ne sit exactement où était situé l’hôtel. Au lieu de nous le dire franchement, l’interlocuteur émet une hypothèse qui s’avère plus ou moins exacte. C’est une belle façon de visiter la ville profonde, mais aussi de mettre ma patience à l’épreuve.

Après quelques tâtonnements, on tombe sur un édifice administratif, qui n’est pas celui que nous recherchons. Par miracle, la directrice que nous recherchons y est. Après une courte attente, nous la rencontrons et discutons un peu avec elle. L’accueil est chaleureux et elle nous rappelle qu’elle est directrice régionale du Ministère de la Promotion de la femme, de l’enfance et de la famille. En réponse à une de mes questions, elle nous souligne qu’elle est responsable du bien-être des enfants de la région. Et ici, les enfants, il y en a en moyenne plus de 5 par femme. Les femmes vivent pour la plupart dans des conditions extrêmes. Une responsabilité titanesque. Mais elle doit quand même prendre le temps de signer notre ordre de mission et trébuche au moment d’indiquer les dates, car nous repartirons le lendemain. Une fois le tout terminé, il manque le sceau. Il est dans son bureau. Qui est dans un autre édifice. Situé on ne sait trop où dans la ville. Je me sens bouillir et pas à cause de la chaleur. Heureusement, elle envoie son chauffeur nous guider manifestement contre son gré.

À Sikasso, mêmes tâtonnements pour trouver l’édifice. Une fois à l’intérieur, nous devons attendre pour avoir accès à la directrice et son tampon. Une fois dans son bureau, elle a des trucs à régler en bambara au téléphone. Puis, elle nous manifeste sont mécontentement du peu de délai dont elle a disposé pour organiser notre visite car elle a été malade en début de semaine. Puis d’autres téléphones. Nous devons attendre car elle va nous accompagner au centre.
Ce qui me donne le temps de bien examiner son bureau et son contenu. Elle a un ordinateur avec un écran plat. Nous avons l’occasion d’observer qu’elle s’en sert avec aisance. Au mur derrière elle, une affiche qui est en fait une lettre du Ministre de la santé à l’attention des directeurs d’hôpitaux et de cliniques médicales du pays. Le contenu est plutôt surprenant. C’est une mise en garde afin que les dirigeants prennent toutes les mesures afin d’interdire la pratique de l’excision dans LEUR établissement. Car il semble qu’il y ait encore quelques. Mais à l’extérieur c’est une autre chose. Selon plusieurs personnes à qui j’en ai parlé, la pratique de l’excision des jeunes Maliennes est encore généralisée et pas seulement à la campagne.

La signature de l’ordre de mission met à dure épreuve ma tolérance aux processus administratifs incohérent. Mais elle devient une porte d’accès des dessous d’une société bien différente de la nôtre

À suivre
4) Une rencontre exceptionnelle
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25 oct. 2009

2. La plaine du Niger


Notre tournée nous permettra de visiter trois centres et de faire une boucle dans le centre du Mali. Il faut rappeler que comme au Québec, l’artère du Mali est un des grands fleuves du monde, le Niger. L’essentiel de sa population vit en bordure du fleuve ou encore de celui d’un de ses affluents. Comme au Québec, les territoires du Nord sont déserts car le climat est inhospitalier. Ici, c’est la chaleur et la sècheresse : le Sahel puis plus loin le Sahara.

Nous avons donc descendu le Niger pour atteindre Ségou à 235 km de Bamako. La route qui y mène est à l’écart du fleuve et le paysage est plat et monotone. Comme la 20 entre Montréal et Québec. Par contre, ici nous avons accès à la vie locale. Le monde de la savane. On traverse une suite de petits villages avec leurs inévitables petits commerces rudimentaires au bord de la route. Les maisons et les petits entrepôts pour les récoltes sont tous en pisé, un mélange de terre et d’herbes séchés. Les toits sont en chaume ou et en taule. Une armée de femmes s’agitent derrière leur chaudron qui chauffe sous un feu de bois. Les enfants et les moutons tournent autour. Les hommes palabrent.

Tout le long du voyage, la circulation est clairsemée. On y croise des 4X4 comme le nôtre et qui permettent de sortir du goudron, les routes asphaltées. Pour plupart, ils appartiennent à des ONG. Quelques voitures, des transports en commun vétustes mais accessibles et des camions ayant de l’expérience complètent la circulation. Régulièrement, un des ces véhicules vénérables est en panne au bord de la route. Le chauffeur tente de le réparer ou de changer une crevaison. Parfois, le véhicule a rendu l’âme et il rouille lentement dans ce climat sec.

En fait, on croise surtout les populations villageoises qui se déplacent de façon que l’on appellerait chez nous écologique : à pied, en vélo ou sur une charrette tirée par un ou deux ânes. Les femmes ont infailliblement leur charge sur la tête et le bébé dans le dos. Selon l’heure, on croise les enfants qui vont ou reviennent de l’école, plusieurs ayant de longs trajets à effectuer. Entre ces écoles, régulièrement un troupeau de magnifiques bêtes aux cornes majestueuses. Elles sont parfois accompagnées d’un jeune berger pas toujours très fiable. Bref, on roule au milieu de l’Afrique rurale qui pullule de vie même si au Mali la densité de la population est plutôt faible.

Notre première halte est à Ségou. La ville est un ancien chef lieu colonial et en a gardé le charme. De magnifiques grands arbres rappellent les platanes du Midi de la France. Les bâtiments ont gardé leur stature. Comme la ville est touristique, quelques hôtels bien propres et des restaurants aux menus alléchants nous attendent. Aussi, une suite de kiosques d’artisanat avec leurs vendeurs insistants, mais à peu près corrects. Une jolie promenade au bord du Niger permet de voir les pêcheurs à l’œuvre, les femmes laver le linge et les inévitables bandes d’enfants jouer dans l’eau. Des excursions de pirogues sont organisées. Ça donne le goût de revenir pour y passer une fin de semaine.

L’autre ville que nous avons visité, Sikasso, est beaucoup moins intéressante et l’infrastructure touristique est à l’avenant. Nous avons roulé près de 1,000 kilomètres. Sur 80% de ce parcours les routes étaient en bonne condition.

À suivre
3) L’ordre de mission
4) Une rencontre exceptionnelle
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24 oct. 2009

Voyage au pays du karité: premier de 4 textes

1.- Les Coop

Les Coop de productrices de karité sont évidemment situées en milieu rural. Comme notre lieu de travail est à Bamako, une tournée des centres de production a été organisée conjointement par le Projet karité du Ministère de la Promotion de la Femme et le CECI. Cette semaine, nous avons fait une tournée de 3 centres situés au cœur du Mali. Trois personnes m’accompagnaient pour cette tournée tout d’abord Aline Marchand, coopérante du CECI et Yakoure’oun Diarra, conseiller au Ministère. Tous deux travailleront au cours des prochains mois sur la gouvernance des Coop. Modibo Diarra (aucun lien de parenté avec l’autre) est notre chauffeur. Il est employé du CECI.

Le projet Karité et financé principalement par Unido, une agence des Nations-Unies ayant le mandat de développer l’industrie pour lutter contre la pauvreté. C’est le Ministère de la Promotion de la femme, de l’enfance et de la famille qui gère ce projet. Grâce à cette initiative, huit centres de production de karité ont été créés. Six de ces centres sont déjà en opération et deux autres sont en implantation. Chacun de ces centres regroupe des productrices d’une dizaine de villages. Chaque centre a bénéficié d’une bâtisse et des équipements nécessaires à la production à savoir : un broyeur, un torréfacteur, un filtreur, des moules pour fabriquer les savons et les marmites, pots et autres petits équipements.

Pour chaque centre, une personne du Ministère supervise les opérations et agit comme animateur et formateur. Le centre a en général deux employées permanentes à la production, une directrice et une responsable de la commercialisation. Chaque centre deviendra graduellement autonome sous la forme d’une coopérative. Chacune d’entre elle est gouvernée par un bureau composé d’une représentante par village. Chaque unité villageoise est une coopérative ou une unité informelle.

L’incorporation de toutes ces coopératives n’est pas une mince affaire. Pour obtenir sa charte, que l’on appelle ici le récépissé, il faut fournir une série de pièces justificatives qui sont parfois longues à obtenir. Les femmes membres du bureau provisoire doivent fournir trois documents à commencer pas le certificat de naissance que la plupart n’ont pas. Ici, comme en France, c’est la municipalité qui doit délivrer le certificat. La majorité des mairies en milieu rural n’ont même pas l’électricité, il n’y a pas l’ombre d’un ordinateur. Les bureaux sont désespérément vides et vétustes. Imaginons leurs systèmes de gestion. La démarche peut être longue. D’autant plus qu’il y a des frais. Celles qui ont de la difficulté à les assumer éviterons d’en faire mention, fierté oblige, et trouverons maints prétextes afin d’expliquer les délais.

Une fois le certificat de naissance obtenu, il faut le certificat de résidence et finalement le casier judiciaire. Celui-ci est émis par le Cercle, l’équivalent du département Français. On touche ici à un des problèmes de l’Afrique : une bureaucratie à la Française sans en avoir l’infrastructure et les moyens pour rendre le tout opérationnel.

À suivre
2) La plaine du Niger
3) L’ordre de mission
4) Une rencontre exceptionnelle
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20 oct. 2009

Faire des affaires au Mali dans un contexte d’entreprise d’économie sociale

Il y a longtemps que je n’ai pas écrit sur mon travail. N’oublions pas que je suis ici avant tout pour réaliser un mandat d’aide internationale. Ma mission devait initialement porter sur la mise en marché du karité. Les activités commerciales du Programme Karité ont commencé depuis deux ans sous la marque commerciale de « Kalojé » Clair de lune en Bambara, la langue locale. La directrice du programme Karité, Binta Bocoum, m’avait aussi demandé de lui faire des projections afin de rentabiliser les opérations d’ici 5 ans. La participation du Ministère de la Promotion de la Femme sera vraisemblablement limitée à cette période.

En débutant mon travail, j’ai réalisé qu’il n'y avait eu aucune étude de coûts pour les produits vendus. Les prix avaient été fixés de façon aléatoire et selon mes premières analyses, ils étaient trop bas. De plus, bien que toutes les ventes et les achats fussent consignés dans un cahier, aucune compilation n’avait encore été faite. J’ai appris par après que cette situation surprenante est courante ici. Les compétences en gestion sont rares et il y a souvent un bailleur de fonds pour ramasser la facture finale.

J’ai donc proposé à mon « client » d’entamer une démarche de planification stratégique incluant un plan d’affaire chiffré ayant pour objectif de rentabiliser les opérations commerciales d’ici 5 ans. De plus, je leur ai proposé un système de gestion des ventes et des achats. Ma proposition a été acceptée avec enthousiasme.

Pourquoi un processus de planification stratégique avant de faire le plan d’affaire ? C’est pour que la raison d’être et le but à long terme que poursuit l’entreprise soient guident la prise de décisions. Ceci est important pour toute entreprise, mais c’est essentiel dans le cas de celles qui poursuivent des activités commerciales dans un but social. On évite ainsi que l’arbre cache la forêt.

Je leur ai proposé un projet ambitieux afin de les motiver à regrouper toutes les Coop de karité du pays :

La mission de Kalojé (raison d'être):

Kalojé est une entreprise d’économie sociale qui commercialise des produits de Karité dans le but premier d’augmenter les revenus des productrices. Propriété de Coopératives, Kalojé s’approvisionne exclusivement auprès de Coopératives afin de leur ouvrir des marchés auxquels elles n’auraient pas accès isolément. Ceci afin d’augmenter :
1) Le volume de vente de produits de karité ;
2) Le prix offert aux productrices ;
3) Le volume de vente de produits transformés au Mali avec une plus value ;

La vision (que sera Kalojé dans 10 ans et que sera son impact):

Devenir le leader national et international de la vente de produit de Karité de qualité et ayant une mission sociale auprès des productrices;
Que le taux de collecte des noix de karité au Mali passe de 60% à 85% ;
Que le prix payé au kilo à la récolte augmente de 100% ;
Que le % de karité transformé au Mali passe de 18% à 50% des exportations ;
Kalojé investira 10% de ses profits dans des projets sociaux dans les communautés des productrices

Les valeurs privilégiées de l’entreprise:

Équité : offrir aux productrices et aux employées des Coopératives une rémunération juste pour leur travail et répartir ses achats entre les Coop et les régions ;
Renforcement des capacités des individus et des collectivités : Formation et responsabilisation ;
Solidarité et entraide : Participer au développement local ;
Efficience : avoir des pratiques d’affaire professionnelles et ambitieuses ;
Transparence : Gouvernance, prix, pratique d’affaires ;
Promouvoir l’excellence et la Qualité : Produits, image et service de ventes ;

Je vous en donne des nouvelles…
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18 oct. 2009

L’Afrique : un gros Gaza ?

On peut assister en ce moment à une triste convergence. D’une part Gaza s’appauvrit suite au blocus imposé par Israël et, ne l’oublions pas, l’Égypte. Le niveau de vie de ses citoyens glisse lentement mais surement vers le niveau de celui des nations les plus pauvres d’Afrique.

D’autre part, les Africains sont de plus en plus confinés sur leur continent. Bien entendu, le nombre de kilomètres carrés sur lesquels ils peuvent circuler n’a rien à voir au minuscule terrain de jeu des Gazaouis. Mais une chose est certaine, il leur est difficile d’en sortir. Je viens d’en être témoin.

Il ya en ce moment en Argentine une conférence de foresterie (XIII World Forestry Congress). Au Mali, la valorisation du Karité permet de donner de la valeur aux arbres dont il est le fruit et faciliter ainsi leur conservation. Ce couvert forestier est un excellent rempart contre la désertification. Une amie, Fatoumata Coulibaly, conseillère en gestion pour la Coop de Siby a été invitée à participer à cette rencontre. Or, elle n’a pu se rendre. Pas parce qu’elle ne pouvait financer le vol et le séjour : tout était payé. Mais bien parce qu’elle n’a pas réussi à obtenir de visa.

Les Africains et autres ressortissants de pays désœuvrés ne peuvent circuler librement sur notre planète. Le mur de fer est tombé, mais il a été remplacé. Ici, en Afrique, les dernières poussières des grands empires coloniaux européens, Ceuta et Melilla deux enclaves espagnoles au Maroc, sont barricadées derrière un mur pour empêcher les hordes d’Africains de mettre le pied sur ce territoire européen. Ailleurs, l’Océan s’en charge et régulièrement, on retrouve des cadavres de pauvres hères ayant tenté leur chance.
Pour entrer par les portes de contrôle officiel, aéroports ou terminaux portuaires, il leur faut un visa. Pour l’obtenir, les Africains doivent montrer patte blanche. Il y a une anecdote assez amusante à cet effet. Un groupe de musiciens Africains devait aller rencontrer Roy Cooder pour une session de jams et d’enregistrement. Le groupe n’a pas obtenu les visas nécessaires et Cooder s’est finalement rabattu sur des musiciens locaux. Ainsi est né l’album Buena Vista Social Club !

Mais cette anecdote ne doit pas nous faire oublier que nous vivons dans un monde à deux vitesses. Pour nous occidentaux, obtenir un visa dans un pays étranger est une procédure souvent emmerdante et qui peut mettre notre patience à bout. Mais à moins d’avoir un mauvais dossier, l’issue est à peu près certaine : on va finir par avoir le tampon officiel sur notre passeport que beaucoup de gens envient. Pour les Africains, c’est une loterie.

Depuis quelques années, j’ai une image qui me poursuit. Je m’imagine être un extra terrestre qui arrive sur terre. Je visite le Canada, la France et d’autres pays occidentaux. J’admire le confort et le bien-être des gens qui y vivent. Les jardins luxurieux, les parcs où les gens pratiquent diverses activités sportives avec des équipements de pointe et les maisons grandes et propres. Puis j’atterris en périphérie d’une ville africaine. J’y vois les routes défoncées en terre, les habitations en tôle, les déchets qui trainent, les égouts à ciel ouvert et les gens qui vivent dans des conditions misérables. Puis je constate que ces gens sont en fait prisonniers de leur espace et ne peuvent avoir accès aux jardins bien verts que j’ai vu précédemment.

Bizarre de planète.
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15 oct. 2009

Commentaires sur ma rencontre avec un candidat à la présidence

M. Lanceni Balla Keïta a accepté de me rencontrer afin de faire une longue entrevue avec lui. Il connait bien les problèmes que vivent ses concitoyens et pose un bon diagnostic sur ce qu’il faut faire pour répondre à leurs besoins : mettre plus de ressources en éducation et pour les infrastructures. Par contre, lorsque vient le temps de voir comment on va financer le tout, c’est plus fragile. Je ne suis pas ici depuis assez longtemps pour porter un jugement éclairé sur la pertinence de sa candidature. Par contre, j’ai vu comment son hôtel est géré et il est fort à parier que sa façon de faire devrait ressembler à celle dont il va éventuellement gérer son pays.

Tout d’abord, l’hôtel de M. Keïta est situé juste à coté de la Maison du karité où j’avais rendez vous. Le contraste entre les deux lieux est saisissant et tout à fait révélateur d’une réalité profonde au Mali. La maison du Karité est une fourmilière où des femmes œuvrent obstinément à améliorer leur sort. Elles sont curieuses et avides de suggestions. Le lieu est propre et invitant. L’hôtel est une affaire d’hommes, presque tout le personnel est masculin et on les voit régulièrement assis à discuter. Pourtant, les chambres auraient besoin d’un bon nettoyage. L’accueil est correct, sans plus.

Lors d’une discussion que j’ai eue avec lui, M. Keïta s’est plaint du faible taux d’achalandage de son hôtel. Il a tout a fait raison, c’était presque vide lors de mon passage. Il constate que Siby est à l’écart des circuits touristiques car les étrangers se dirigent plutôt vers l’autre bout du Pays à Djenné et le pays Dogon, deux sites reconnus par l’Unesco. Pourtant Siby ne manque pas de charme. Le coin est joli et entouré de montagnes offrant plusieurs possibilités de randonnées. Il y a même une Coop qui offre des sorties d’escalade. C’est un havre de paix situé à moins d’une heure de Bamako qui nage dans le smog. Il y a plein de gens qui ne demandent pas mieux que d’y échapper pour la fin de semaine.

Il y a 2 hôtels à Siby et un 3ième en construction. Tous sont sur le même modèle plutôt charmant : de petites huttes traditionnelles. Le premier est rustique et il n’y a qu’une douche et une toilette pour tout le complexe. Le prix pour la nuitée est à l’avenant : 3,000 FCFA la hutte (8$). Chez Monsieur Keïta, la peinture est plus fraiche et on peut avoir une chambre de bain privée dans sa hutte. Mais le prix monte de 10,000 à 20,000 FCFA la case (25$ à 50$). Par contre, la propreté laisse à désirer et la literie est incomplète (pas de draps ni de taie d’oreiller). À mon avis, quelqu’un qui est prêt à y dormir va finalement opter pour le compétiteur. L’hôtel en construction sera plus haut de gamme, les huttes plus grandes et mieux aménagées et une piscine est déjà prête. J’ai rencontré le propriétaire et il prévoit louer à partir de 25 000 FCFA (62$). Les soucis de M. Keïta ne sont pas finis.

La situation de son hôtel me semble typique du Mali : beaucoup de potentiel mal exploité. Le contraste avec ses voisines de la Maison du karité est frappant et souligne un autre trait du Mali. Les femmes travaillent sans arrêt pendant que les hommes palabrent. M. Keïta pourrait faire beaucoup avec peu pour son hôtel en commençant par le tenir propre et améliorer la literie et les matelas. Puis faire une campagne de publicité, même modeste, dans les lieux fréquentés par les nombreux coopérants et travailleurs occidentaux de Bamako. Genre une affiche dans les quelques supermarchés que nous fréquentons tous. Éventuellement, offrir un transport par petit autobus climatisé les week-ends. Bref, un peu plus de travail, de rigueur et d’innovation. C’est ce qui lui manque et ce dont son pays a cruellement besoin.
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14 oct. 2009

Exclusif: Rencontre avec un candidat à la présidence du Mali

J’ai eu le privilège d’avoir une rencontre exclusive avec Lanceni Balla Keïta candidat à l’investiture de son parti pour la prochaine présidentielle du Mali qui aura lieu en 2012. M. Keïta est député de Siby au parlement Malien et membre du Parti Adema, la principale formation du pays.

M. Keïta a été brièvement Ministre dans le gouvernement de mission entre le coup d’état de 1991 et les élections générales qui ont suivi. Il est à souligner ici la similitude de la situation au Mali à cette époque et celle qui prévaut actuellement en Guinée. En 1991, une junte militaire prend le pouvoir et renverse le dictateur Moussa Traoré au pouvoir depuis une éternité, 1968. Le Président nommé, Amadou Toumani Touré, promet d’organiser des élections générales auxquelles il ne se présentera pas. Ce qu’il fit contrairement à ce qui semble vouloir se passer actuellement en Guinée.

Suite à ces élections , le parti Adema prend le pouvoir et Alpha Oumar Konaré est élu président puis réélu en 1997. Il ne peut se représenter en 2002, car la présidence est limitée à 2 mandats. Entre temps, Amadou Toumani Touré démissionne de l’armée et se présente à la présidence. Il est facilement élu puis réélu en 2007 et ce, sans avoir de véritable parti.

M. Keïta se prépare donc pour la prochaine élection où le Président actuel ne pourra se représenter. Avant d’aborder avec lui la question de sa candidature, je lui ai demandé comment il percevait son rôle de député de la circonscription rurale de Siby et qui compte 426,000 électeurs. Selon lui, le député doit « recueillir les aspirations de la population pour les monter aux autorités exécutives ». Il doit également « faire redescendre la portée des Lois adoptés à l’Assemblée Nationale pour informer de la conduite à suivre ». Il doit aussi servir d’intermédiaire entre les autorités et la population. Puis, ce qui est différent de chez nous, il a un rôle social en apportant de l’aide aux gens en besoin. Collaborer par sa présence, mais aussi par sa contribution financière, aux mariages, fêtes du Ramadan, entrée à l’école ou autres. Il juge ce travail très important dans un pays où 80 % de la population est illettrée.

Selon lui, les principaux problèmes auxquels sont confrontés les citoyens de son territoire sont le manque d’enseignants dans les écoles et le manque de matrones (qui ont un statut inférieur aux sages-femmes) dans les maternités. Il faut savoir que les écoles sont publiques dans les villes et les gros villages tels que Siby, mais dans les petits villages de la brousse l’école est communautaire et la communauté doit voir à payer ses enseignants. Ce qui est loin d’être évident.

Son programme comme candidat à la présidence va refléter ces préoccupations. Tout d’abord, sa priorité c’est l’éducation. Selon lui l’école au Mali « a un pied cassé ». Quand ce ne sont pas les enseignants, ce sont les étudiants qui sont en grève. Il faut améliorer le financement du système. Pour y arriver, il faut élargir l’assiette fiscale du Gouvernement en taxant le commerce informel. Il faut noter ici qu’au Mali, comme dans tous les pays africains, l’essentiel du commerce est informel et à la source de la survie précaire d’une part importante de la population. Vraiment pas évident. Ill y a quelques années, le Sénégal s’y est frotté. Des émeutes ont suivi et le Gouvernement a dû faire marche arrière.

Puis, il faut augmenter le revenu de la population rurale en augmentant les surfaces cultivables. En effet, tous reconnaissent que le potentiel agricole du Mali est énorme et sous exploité. Il souligne aussi l’importance des petits projets pour les femmes, comme ceux pour le Karité. Enfin, il veut augmenter l’industrialisation du pays afin de créer de la valeur ajouté aux exportations qui sont pour le moment essentiellement des ressources naturelles (mines) et agricoles non transformées (coton).

Selon lui, la démocratie est en santé au Mali car elle est basée sur le dialogue entre ses forces vives et il a confiance pour l’avenir de son pays. Ses attentes face à l’occident sont de l’aide à la bonne gouvernance, de l’appui pour les infrastructures scolaires et pour le développement économiques et de l’aide pour sécuriser le nord du pays qui comme nous l’avons vu récemment pose problème. Il profite de l’occasion pour remercier les Canadiens pour leur aide et souligne notre particularité qui est de responsabiliser les Maliens en leur confiant une bonne part de la gestion des programmes que nous finançons contrairement à d’autres donateurs.

Cette rencontre sympathique a eu lieu à l’Hôtel Kamadjan de Siby, propriété de M. Keïta, où je résidais pendant mon séjour.

A venir : mes commentaires personnels
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