7 nov. 2009

Spécial : souvenirs du mur de Berlin

Je profite du 20ième anniversaire de la chute du mur de Berlin pour vous apporter mon témoignage personnel sur cette étrange construction. J’ai eu l’occasion d’aller à Berlin deux fois avant la chute et j’y suis retourné une fois par après. Berlin demeure une des villes les plus intéressantes au monde. Que ce soit par son histoire, son architecture ou le bouillonnement culturel que l’on y retrouve. Mais la présence du mur lui donnait un aspect unique et spectaculaire que l’on ne peut oublier.

Tous d’abord on parle du mur, mais en fait c’était deux ou trois murs et entre chacun un « no man’s land » hermétique. Ce territoire interdit rappelait étrangement les camps de concentration. De l’autre coté du mur, on pouvait y observer de près d’énormes bergers allemands attachés à intervalle régulier, des tours de garde habitées en permanence et une route fréquentée par des soldats armés dont l’habillement tout en gris rappelait ceux des nazis. Le tout avait une efficacité bien allemande. Peu de gens ont réussi à franchir cet obstacle et plusieurs y ont perdu la vie.

Ce rappel douloureux de l’histoire n’était pas situé en fin fond de campagne ou dans un musé, il transperçait la ville en plein cœur. Deux édifices historiques s’y trouvaient piégés. Tout d’abord le Parlement Allemand, qu’Hitler avait pris le soin de passer au feu pour marque le début de sa dictature et dont la prise par l’Armée Rouge en 1945 a en marqué la fin. Ce moment a été immortalisé par la photo du soldat soviétique issant le drapeau soviétique à son sommet. Une des plus fortes images de l’Histoire contemporaine. La porte de Brandebourg un symbole puissant de la puissance des empires du passé elle était gardée bien en vue par des soldats Est-allemands.

Comme visiteur, nous pouvions voir cette blessure architecturale mais le drame humain des familles séparées demeurait abstrait. Par contre, l’impact de ce mur ayant pour objet se séparer deux sociétés devant se développer de façon radicalement différente était frappant. Tout d’abord, l’Ouest a été graduellement envahi par des jeunes marginaux fuyant le service militaire obligatoire en République Fédérale (Ouest) mais dont étaient exemptés les résidents de Berlin-Ouest. De plus, comme pour en sortir il fallait traverser le territoire de la République Démocratique (Est), deux heures de route , il s’était développé à Berlin-Ouest une activité urbaine et une vie nocturne unique au monde. Bref, Berlin-Ouest était une ville à l’avant-garde de la modernité. Un méga Plateau-Mont-Royal. À l’Est, c’était pas mal différent !

Pour y traverser, rien de plus facile pour un occidental. On prenait le métro dont la construction était antérieure à la division de la ville. Deux lignes de l’Ouest traversaient le centre historique, maintenant coté Est, pour revenir par après vers l’Ouest. À l’endroit où la rame de métro passait sous le mur, les parois du tunnel se ressaieraient dramatiquement pour s’assurer qu’aucune personne de L’Est ne s’aventure à s’accrocher à un wagon. Puis, on traversait une ou deux stations abandonnées. Elles étaient dans leur état authentique, faiblement éclairées et patrouillées par des soldats mitraillettes à l’épaule et berger allemand en laisse. Assez spectaculaire. Puis, on arrivait à la station d’où l’on pouvait sortir et accéder à l’Est. On pouvait aussi tout simplement y descendre pour y acheter au kiosque un paquet de cigarettes à un prix imbattable ou encore l’Humanité, le journal du Parti Communiste Français, moins cher qu’à Paris !

Une fois à l’extérieur, on devait se procurer le visa et changer une vingtaine de dollars en monnaie locale, le Mark de l’Est, que l’on devra dépenser pendant la journée car il n’avait aucune valeur à l’Ouest. Ceci devait s’avérer tout un défi. En effet, grâce au communisme tout ce qui était vendu, que ce soit les transports, la nourriture ou les biens de consommations devaient être accessible à la classe ouvrière. Le problème c’est qu’il y avait à peu près rien à vendre et que le peu qui était offert était de mauvaise qualité.

Nous avions entamé notre promenade dans Berlin-Est en marchant dans les rues limitrophes de la station. C’était un véritable voyage dans le temps. Pas d’édifice moderne, les plus récents étaient du modèle stalinien rappelant les tristes années 30. Pas de commerce privée, que de petits cafés ou de petites boutiques d’état à l’affichage discret et à la devanture rappelant l’avant guerre. Le plus curieux c’étaient les gens. Bien que vivant tous finalement dans la même ville, le contraste était saisissant. L’Ouest était éclaté avec ses punks, ses hippies, et ses gens ayant la réussite bien en évidence. Au contraire, l’Est était gris et uniforme. Des gens habillés comme dans une petite ville de la campagne québécoise du début des années soixante.

Contrairement à ce que l’on peut penser, certaines personnes de l’Est pouvaient voyager sans restriction à l’Ouest : les retraités. La raison était simple, l’État désirait s’en débarrasser afin de ne plus avoir à payer leur retraite. Ainsi, ils étaient nombreux à venir passer la journée à l’Ouest. Ils étaient facilement reconnaissables par leur habillement mais aussi par leur énorme sac qu’ils portaient. Leur visite n’était pas touristique. Ils étaient mandatés par leurs proches, qui ne pouvaient faire le déplacement, afin d’acheter ce qui était introuvable à l’Est. Des choses aussi banales que des oranges, des bananes ou encore du papier de toilette !

La fierté allemande avait été durement mise à l’épreuve par l’histoire récente et ne pouvait tolérer indéfiniment cet affront. Le mur a fini par sauter et bien qu’on ait tout fait pour l’effacer, il laisse encore des traces dans la ville, dans le pays et dans la tête des gens. C’est une plaie qui nous rappelle cette guerre entre les deux folies idéologiques du 20ième siècle et qui a couté la vie à des dizaines de millions d’innocents. C’est aussi un des souvenirs les plus forts de ce que j’ai gardé de mes voyages de par le monde.

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