27 oct. 2009

Une rencontre exceptionnelle

Au deuxième jour de notre expédition, nous avions rendez-vous en matinée à Kimini, une petite communauté rurale située à une quarantaine de kilomètres è l’est de Ségou. Le départ a lieu vers 8 heures et déjà la chaleur est omniprésente. À peine sortis de la ville, le climatiseur de notre véhicule rend l’âme. Je crains le pire. La veille notre rencontre avait lieu dans l’entrepôt de la Coopérative où nous avions assis sur un banc le dos appuyé sur un mur brulant. Rapidement, je me suis mis à transpirer comme dans un sauna.
La route se fait rapidement et nous arrivons au petit village situé en bordure du goudron. Après être passés par le bureau du maire du village afin de faire signe de certificat de mission, nous arrivons sur les lieux de la coopérative. Une cinquantaine de femmes sont assisses en rond bien à l’ombre d’un grand arbre. Une table et 4 chaises neuves nous attendent. L’animateur du Ministère nous accueille. Vous avez bien lu, il s’agit d’un homme, le seul que l’on va croiser dans toutes ces rencontres. Il agira comme traducteur car aucune de ces femmes ne parlent français.
Nous prenons place et une douce brise agréable vient me rassurer. Nous faisons face à ces femmes assises sur des bancs rudimentaires. Elles sont d’âge très variés. Toutes sont vêtues de leurs robes bien propres aux motifs colorés. Chacune porte un châle et l’inévitable turban sur la tête. Mais les couleurs ne sont pas harmonisées et aux pieds elles portent toutes des gougounes usées. Bien qu’elles aient fière allure, on devine la pauvreté. Trois d’entre elles ont leur bébé dont deux allaitent bien en vue face à moi.
Un oiseau dans l’arbre défèque sur notre table au grand plaisir de tous. Le dégât est vite ramassé et il parait que ça porte chance. Après les présentations, je prends la parole et décide de profiter de leur présence pour en savoir un peu plus sur leur vie et la place qu’occupe le karité. Rapidement, une femme prend la parole et d’autres enchaînent. La participation est bonne, la parole franche et facile. Elles me soulignent l’importance du karité dans leur vie. À la maison, pour la cuisson et à l’extérieur comme activité commerciale. Elles en ont tous plusieurs, mais le karité demeure la principale source de revenus. Elles apprécient la création de la Coop. Elle leur a permis d’avoir de la formation et d’améliorer leur production. Elle a également pour effet d’augmenter leur revenu. Un peu, prennent elles le temps de spécifier. Les acheteurs privés payaient de 75 à 100 FCFA le kilo d’amande (,20 à 0,25 $) et la Coop paie 150 FCFA (0,40 $). Les attentes sont claires.
Elles ont grand besoin de partenaires qui achèteront leur karité. Comme elles sont en région éloignée et peu fréquentée par les touristes, elle dépendent à 100% des achats du projet Karité. L’an passée, la Coop a produit 2,380 kilos de beurre et il en reste encore 1,400 à vendre. Elles apprécient l’autonomie que leur offre la formule coopérative mais expriment avoir un grand besoin de formation. Après avoir passé la parole à mes collègues et avoir eu des réponses aux questions posées de part et d’autres, je leur fais part de mes réflexions sur le marché du karité. Selon moi, il y a beaucoup de potentiel, mais ce marché prendra du temps à se développer. D’une part, le marché local est limité par le pouvoir d’achat des Maliens et de la présence du beurre traditionnel beaucoup moins cher. Tous en conviennent. Les marchés internationaux offrent des possibilités mais prendront du temps à se développer et ce sera important qu’elles soient regroupées pour le faire. Une petite Coop au bout du monde a peu de chance de le percer. À la fin de mon intervention, je suis applaudi. La femme Malienne a une patience légendaire qu’elle a dû développer pour survivre et élever ses enfants envers et contre tous. Manifestement, elle en aura encore besoin.
Pour terminer la rencontre, des hommes sont apparus. Ce sont trois percussionnistes du village qui entament des rythmes harmonieux. Ils jouent d’instruments d’un autre âge et qui émettent des sons clairs et puissants. Les femmes s’agitent viennent tour à tour faire leur numéro de danse et ce peu importe leur âge. Celles avec le bébé au dos ne sont pas en reste et la petite tête à l’arrière se met à branler à un rythme inquiétant. Au point où une mère est ramenée à l’ordre par une ainée. Sortie de nulle part, une horde d’enfants est apparue et ils nous scrutent du regard. Ils n’ont peut-être jamais vu de blancs d’aussi près. Une bande de jeunes filles viennent s’agiter à notre coté et nous démontrer que le rythme de la danse fait partie de leur code génétique. Vraiment sympathique.
Nous devons quitter assez rapidement, car nous avons un long déplacement de prévu. Les adieux sont chaleureux, les poignées de main sincères. Une fois dans le véhicule, je réalise que si parfois je me demande ce que je suis venu faire dans ce pays, à ce moment je n’en ai aucun doute. D’une part, j’ai touché à une portion de vie de notre humanité à laquelle je n’aurais jamais eu accès autrement, et, d’autre part, je quitte avec le sentiment que la petite pierre que je peux poser dans cette œuvre a une réelle et profonde utilité.

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