6 oct. 2009

Le code de la famille

J’ai habité pendant plusieurs années au cœur de la Petite Italie de Montréal. Mes voisins, des italiens originaires du Sud profond, vivaient encore selon un code de la famille assez différent du mien, un québécois ayant grandi dans la période post révolution tranquille. En ce qui concerne l’écart culturel, je n’avais encore rien vu.

Ici, l’individu n’est rien. De la naissance à la mort, il fait partie intégrante d’une famille et son autonomie est soumise aux us et coutumes qui la régissent. La hiérarchie est immuable. Au sommet le père de famille, puis sa ou ses femmes et ensuite les enfants qui devront respecter non seulement les avis de leurs parents et ce jusqu’à la mort, mais également ceux de leurs frères et sœurs ainés.

Le mariage est obligatoire ici. Non seulement le concubinage est très mal vu, mais c’est impossible pour une femme de quitter le giron familial avec un statut de célibataire. C’est encore vrai aujourd’hui à Bamako pour les jeunes femmes instruites et occupant un bon emploi.

Quand vient le temps de passer aux noces, plusieurs options sont offertes. Il y a tout d’abord le mariage religieux, fortement déconseillé aux femmes car les règles de la religion musulmane permettent à l’homme de renier sa femme en tout temps et sans aucune raison et ainsi l’abandonner à son sort avec ses jeunes enfants. Donc, il vaut mieux passer à l’hôtel de ville ou deux options vous seront offertes. Tout d’abord le mariage monogame. Messieurs, il faut faire attention car si vous choisissez cette option, vous ne pourrez revenir sur votre décision. Par contre, le mariage polygame permet de n’avoir qu’une seule femme. Ce que feront la majorité des gens instruits en ville mais qui constitue une infime minorité de la population du Mali (10% ?). Donc la majorité des mariages seront polygame et le mari aura en général entre 2 et 4 femmes. L'Islam permet à l'homme d'avoir jusqu'à 4 femmes. Avant, c'était 10!

Par contre, il devra faire la démonstration qu’il peut nourrir toutes ses femmes, ce qui fait que plusieurs hommes restent célibataires. On s’en doutait, les règles mathématiques étant incontournables. Par contre, la femme devra assumer la majorité des dépenses de la famille. À la campagne, on parle de 80 %. C’est elle qui devra nourrir, habiller, soigner et couvrir les frais pour l’éducation. Et ce, en plus de s’occuper du foyer, des repas, de l’eau, du bois que le mari ne touchera jamais. Jamais. Pas surprenant qu’on voit les femmes continuellement en activités. Ce qui est loin d’être le cas pour les hommes. Ceux-ci ont la responsabilité de la culture des céréales et du coton. Ce qui les tiendra occupés de Juin à septembre. Après, c’est trop sec.

La famille nucléaire aura également la responsabilité d’assumer le rôle de filet social auprès de la famille élargie. Rôle que l’état n’a pas ici les moyens d’exercer. Donc, grands-parents, frères, sœurs, beaux-frères, belles-sœurs, neveux, nièces viendront cogner à la porte en cas de besoin. Ce qui va invariablement arriver si vous avez un revenu, aussi misérable soit-il. Et il est totalement hors de question de refuser. Impensable. La seule solution d’échapper à ces règles, c’est de fuir loin, très loin. Même encore là, les fonds provenant des Maliens à l’étranger sont le poumon qui permet au pays de survivre. Beaucoup plus que l’aide étrangère.

Si ces règles familiales nous semblent lourdes, et les Maliens eux-mêmes le reconnaissent, elles permettent à la population de ce pays d’avoir une cohésion et de fonctionner. Pas surprenant que l’on puisse alors se promener à Bamako sans crainte de se faire agresser. Pas surprenant aussi que la proposition du Gouvernement de faire un nouveau code de la famille prévoyant l’égalité entre l’homme et la femme n’avait aucune chance de passer. Aucune.
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4 commentaires:

  1. Et bien, je préfère ma famille élargie!
    J'aime bien tes texte Daniel, c'est vivant, informatif et ça me fait bien voyager. Lâche pas! Denis R.

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  2. Intéressant et bien rédigé. Un texte de pro.
    rochh

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  3. Ouille ! Quel choc que ce mode de vie ! Merci de ce texte éclairant.

    Comment les maliens et maliennes voient-ils du changement à ce mode de vie ? Y a-t-il des groupes qui proposent des choses ? Y a-t-il des débats ? Continue. T'es un bon journaliste.
    Andrée Constance de Montréal

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  4. Merci Constance,
    Il y a en ce moment un important dépat sur justement des modifications au Code de la famille. Cette semaine c'est la rentrée parlementaire et ce sujet fait la une des journaux. Mais il semble clair que le parlement va éviter de brusquer un peuple qui a manifestement de fortes résistances au changement dans ce domaine.
    Les Maliens et Maliennes sont en général attachés à leurs traditions.

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