26 oct. 2009

3) L’ordre de mission


S’il y a une chose que je trouve déroutante et tout à fait symbolique du gouffre culturel qui nous sépare des Maliens c’est bien la signature de l’ordre de mission et de l’apposition du tampon de l’autorité concernée. Au départ, le truc est simple. L’organisme qui finance la mission, une visite dans une Coop à la campagne par exemple, doit avoir une pièce justificative afin de prouver que la mission a bel et bien eu lieu et que les dépenses nécessaires étaient donc justifiées. Jusqu’ici rien à dire. Ce sont des fonds publics canadiens, Maliens ou encore d’Organisations internationales qui sont ici en jeu. En ce qui concerne cette mission, il y a deux organismes partenaires : le CECI et le Ministère de la famille, de l’enfance et de la famille. Donc deux ordres de mission à faire valider. Ces deux ordres de Mission devront être validés par les autorités des trois lieux où nous irons. Donc 6 signatures et 6 tampons.

Où ça commence à se compliquer, c’est quand il s’agit d’identifier l’autorité apte à valider le dit document. Chez nous, le responsable de la Coop devrait pouvoir le faire, mais ici, il faut viser plus haut. Dans la tradition française, la délégation d’autorité se fait au compte-gouttes car il faut bien faire sentir de façon régulière à l’administré qui est le fondé de pouvoir dont il dépend et auquel il doit soumission totale. Alors, si nous allons dans un petit village, c’est le maire qui doit signer et apposer lui-même son sceau. À Kimini, ce serra l’occasion de voir son bureau vétuste et pratiquement vide. A l’opposé, Il y a plein de monde à la mairie, ce que j’ai de la difficulté à m’expliquer pour une aussi petite entité administrative. Le maire en habit traditionnel porte un magnifique chapeau et nous souhaite la bienvenue. Cette procédure est aussi l’occasion de rencontrer le grand patron local. Il prend un grand soin à bien écrire les dates d’arrivée et de départ et appose une signature artistique et solonelle. On est loin de mon indéchiffrable gribouillis que j’appose sur de moins en moins de papier. Puis il prend avec respect le tampon et la boite d’encre pour apposer délicatement le sceau.

Au cours d’une mission précédente, nous sommes passés à Diola un petit village qui est aussi le siège le du préfet du Cercle, l’équivalent du département Français. C’est donc lui qu’il a fallu rencontrer. Le Cercle est situé dans un édifice datant manifestement de la période coloniale, qui s’est terminé, rappelons le, il y a plus de cinquante ans. Une fois arrivés à destination, nous avons droit de couper la file d’attente et d’entrer dans le bureau où trône le préfet au milieu de montagnes de papiers. Derrière lui, la liste de tous les préfets depuis le début la période coloniale. Mêmes salutations polies, mêmes soins pour valider le précieux document. On discute un peu et il nous souligne le dévouement des femmes qui œuvrent au Centre du Karité pour presque rien. En laissant sous entendre qu’elles devraient gagner un peu plus. On va vérifier.

Dans les deux grandes villes que nous avons visitées, Ségou et Sikasso nous devons rencontrer la directrice locale du Ministère. En principe, ça devrait être plus simple, car elles sont directement impliquées dans le projet. Il n’en est rien. Dans un premier temps, il faut trouver le bureau. Si les gens au Mali n’ont pas de certificats de naissance, les édifices ne sont pas en reste : ils n’ont pas d’adresse. Souvent, les rues n’ont même pas de nom. Si elles en ont un, il n’y a pas de panneau pour l’indiquer. Pour simplifier les choses, les édifices administratifs sont saupoudrés sur toute la superficie de la ville souvent situés sur des chemins de terre impraticables avec une voiture normale. Pour nous rendre, on dispose en général d’une indication genre à coté de l’Hôtel X. On doit d’abord se renseigner pour trouver l’Hôtel et de là se renseigner de nouveau pour trouver l’édifice qui en général, il y a des exceptions, aura un panneau pour l’identifier. Or, à Ségou personne à qui nous l’avons demandé ne sit exactement où était situé l’hôtel. Au lieu de nous le dire franchement, l’interlocuteur émet une hypothèse qui s’avère plus ou moins exacte. C’est une belle façon de visiter la ville profonde, mais aussi de mettre ma patience à l’épreuve.

Après quelques tâtonnements, on tombe sur un édifice administratif, qui n’est pas celui que nous recherchons. Par miracle, la directrice que nous recherchons y est. Après une courte attente, nous la rencontrons et discutons un peu avec elle. L’accueil est chaleureux et elle nous rappelle qu’elle est directrice régionale du Ministère de la Promotion de la femme, de l’enfance et de la famille. En réponse à une de mes questions, elle nous souligne qu’elle est responsable du bien-être des enfants de la région. Et ici, les enfants, il y en a en moyenne plus de 5 par femme. Les femmes vivent pour la plupart dans des conditions extrêmes. Une responsabilité titanesque. Mais elle doit quand même prendre le temps de signer notre ordre de mission et trébuche au moment d’indiquer les dates, car nous repartirons le lendemain. Une fois le tout terminé, il manque le sceau. Il est dans son bureau. Qui est dans un autre édifice. Situé on ne sait trop où dans la ville. Je me sens bouillir et pas à cause de la chaleur. Heureusement, elle envoie son chauffeur nous guider manifestement contre son gré.

À Sikasso, mêmes tâtonnements pour trouver l’édifice. Une fois à l’intérieur, nous devons attendre pour avoir accès à la directrice et son tampon. Une fois dans son bureau, elle a des trucs à régler en bambara au téléphone. Puis, elle nous manifeste sont mécontentement du peu de délai dont elle a disposé pour organiser notre visite car elle a été malade en début de semaine. Puis d’autres téléphones. Nous devons attendre car elle va nous accompagner au centre.
Ce qui me donne le temps de bien examiner son bureau et son contenu. Elle a un ordinateur avec un écran plat. Nous avons l’occasion d’observer qu’elle s’en sert avec aisance. Au mur derrière elle, une affiche qui est en fait une lettre du Ministre de la santé à l’attention des directeurs d’hôpitaux et de cliniques médicales du pays. Le contenu est plutôt surprenant. C’est une mise en garde afin que les dirigeants prennent toutes les mesures afin d’interdire la pratique de l’excision dans LEUR établissement. Car il semble qu’il y ait encore quelques. Mais à l’extérieur c’est une autre chose. Selon plusieurs personnes à qui j’en ai parlé, la pratique de l’excision des jeunes Maliennes est encore généralisée et pas seulement à la campagne.

La signature de l’ordre de mission met à dure épreuve ma tolérance aux processus administratifs incohérent. Mais elle devient une porte d’accès des dessous d’une société bien différente de la nôtre

À suivre
4) Une rencontre exceptionnelle
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1 commentaire:

  1. Daniel, une société bien différente de la votre, tout compris et tout le problème est là, ussi facile que çà, par conséquent pas de comparaison, pas de passion, chacun à sa vie.

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